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Auteur Fil de discussion: Réconciliation(s)  (Lu 3458 fois)
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Arno P-E
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« le: 23 Mars 2006 à 12:02:56 »

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Il y a toujours une infinie tristesse autour de ces matches suivant la disparition d’un supporter parisien. Mais quand viennent en plus se greffer une grosse déception, et une joie légitime, on ressort alors du Parc comme étourdi. Mathieu nous a quittés, le club a géré sa minute de silence avec amateurisme, Paris a brillamment remporté son match... Et au milieu chantent des supporters.

Dans son livre de science-fiction désormais intitulé Blade Runner, Philip K. Dick, puis Ridley Scott lors de l’adaptation au cinéma, se sont intéressés à ce qui faisait de nous des êtres vivants. La question ? Et si des androïdes, les réplicants, se mettaient à développer leurs propres réponses émotionnelles (« They might develop their own emotional responses... Hate, love, fear, anger, envy ») ? Haine, peur, amour, colère, envie, n’est-ce pas tout cela qui fait de nous des êtres pleins de vie ? Or, il faut bien l’avouer, le Paris SG contribue pour une grande part à ce flot d’émotions. L’existence quotidienne, métro, boulot, dodo, manquerait sans doute de piquant si on nous enlevait le Parc.

Se confronter à la mort là même où on se sent vivant, enfin...

Haine... Rejet de la défaite, refus de se laisser battre. Peur ? Voir le Paris Saint-Germain rejoint au score quand il mène 1 à 0 à quelques minutes du coup de sifflet final. Amour : amour du maillot, de nos couleurs, de l’ambiance et de l’histoire de ce club. Colère. Devant l’injustice d’une décision arbitrale stupide, ou devant les déclarations d’un joueur ou d’un supporter qui saliraient notre maillot. Et envie, envie de gagner, de remporter des titres, de voir des buts. Haine, peur, amour, colère, envie... Oui, le Paris SG est un formidable pourvoyeur de « réponses émotionnelles ». Oui, quelque part, c’est le Paris SG qui nous rend vivants.

Alors quand au détour d’un match contre Auxerre on se retrouve confrontés à la mort d’un des nôtres, le ressenti est immense. L’absence de la joie d’avant-match, de l’agitation habituelles, tout cela souligne davantage encore la tristesse du jour. Les Boulogne Boys ont vu partir Mathieu la semaine dernière, dans un accident de voiture. Il ne faut pas chercher de logique là-dedans. Il faut juste respecter la douleur légitime de ses compagnons. Je n’avais pour ma part croisé Mathieu qu’une fois, chez un ami. Autant dire que je ne le connaissais pas. Et pourtant son décès me touche, parce que je suis un supporter, comme lui. Je m’identifie forcément. Mais ma douleur et ma peine ont une dimension un peu égoïste... Et si c’était moi ? Ses véritables amis, eux, ont une peine tournée vers les autres. Les Boulogne Boys dont Mathieu faisait partie ont essayé d’épauler sa famille, d’adresser leurs encouragements vers les autres. Leur tifo était superbe, tout simplement. Leurs messages de soutien, sur leur site Internet très dignes. Parce que c’est ça aussi être Ultra : se soutenir jusqu’au bout, voir au-delà. On ne peut que respecter cette vision des choses.

Et c’est ici que le bât blesse. Les Boys ont souhaité qu’une minute de silence soit honorée en la mémoire de ce supporter parti à vingt et un ans. C’était légitime. Mais le club a tergiversé. Les accrochages Boys – Tigris, les échauffourées de la station service leur ont fait peur. Ils ont douté. Et si certains profitaient de cette minute de silence pour tomber dans les provocations les plus basses ? Et si cette minute de respect tournait à la foire aux insultes ? Ils ont pensé qu’il valait mieux ne rien faire... ou plutôt faire discret, parce qu’il était impossible de refuser cette marque de respect à Mathieu sans passer pour des dirigeants méprisants, et déconnectés. Alors on eu droit à une minute de silence vite fait mal fait, en catimini... Une minute de silence galvaudée. C’est tellement décevant, tellement dommage.

Le Paris SG, uni

À la tristesse de laisser partir un de leurs membres, les Boys ont donc vu se rajouter celle de n’avoir pu voir le club faire les choses en grand. C’est regrettable pour eux. Et c’est aussi regrettable, voire injurieux pour les autres : supposer que les Tigris Mystic se comporteraient comme des salauds était finalement bien mal les connaître. Malgré les heurts, malgré la haine qui oppose TM et certains autres groupes, les membres de cette association du Virage Auteuil se sont comportés avec beaucoup de classe : eux aussi ont déployé une banderole à la mémoire de Mathieu, espérant qu’il repose en paix. Malgré la rivalité, les violences, et des mois de tension, le respect dû à un supporter du Paris Saint-Germain a été le plus fort, des deux côtés.

Comment la douleur du deuil, qui plus est vécue dans un sanctuaire de la vie comme le Parc, peut-elle se mélanger à l’émotion de voir deux groupes établir une trêve, sacrée sans vous bouleverser ? Rajoutez à cela toutes les banderoles de toutes les autres associations, poignantes, les applaudissements des Boys qui entonnent un chant « Mathieu, Mathieu, Mathieu... » alors que le club souhaitait expédier discrètement cette cérémonie et vous comprendrez que bien des gorges étaient un peu serrées en tribune, dimanche dernier, à quelques minutes du match.

Et la Vie reprend ses droits, toujours...

La suite de la rencontre a dû être pénible me diez-vous. Comment pourrait-on se passionner pour une simple partie de football après tout cela ? Je ne sais pas. Mais le Paris SG a tout de même immédiatement repris le dessus. Peut-être que cette passion qui nous réunit tous est plus forte encore. Cela doit paraître stupide à ceux qui sont en dehors du mouvement, ou même sacrilège, mais j’ai l’impression qu’après cela, pour les supporters, le match était devenu encore plus sérieux. Comme s’il fallait immédiatement redonner de l’importance à ce club qui nous liait à Mathieu. Comme s’il fallait montrer que sa vie de supporter n’avait pas été vaine. Comme si les masques tombaient enfin, et qu’après avoir fait semblant de considérer le Paris SG comme une occupation accessoire, un peu triviale, tout le monde s’avouait enfin pourquoi nous sommes là : oui Paris nous donne notre dose d’adrénaline. Oui le PSG nous passionne. Oui c’est le club Rouge et Bleu qui nous rend différents de tous ces piétons qui peuplent les couloirs de métro, la tête dans leurs écharpes grises. Notre cœur est Rouge et Bleu, et comme Mathieu, grâce à lui nous sommes vivants.

Samedi nous l’étions tous. Vivants. Haine, peur, amour, colère, envie ? Nous avons tous ressenti cela, avec Mathieu. Avec les joueurs. Ils ont joué comme jamais cette saison. Faut-il y voir une coïncidence ? Peut-être. Qu’importe ! Ils nous ont apporté de la joie. La réconciliation entre l’équipe et le Parc a été totale. Rothen, Pauleta et Dhorasoo ont été acclamés par le peuple parisien. Armand et Rothen sont venus jeter leur maillot, saluer le Kop et le Virage. Quelque part, Mathieu aura réussi ce que 40 000 supporters n’arrivaient plus à faire : il a galvanisé le Paris SG tout entier, et a su donner le choc qui pousse à se surpasser. Sur le terrain et en tribunes. Entendre, ce soir-là, le Virage Auteuil répondre au Kop of Boulogne, nous a filé à tous des frissons. Là encore, réconciliation... Et quand en retour, le KoB a applaudi ceux d’en face, une page s’est tournée. Même si les conflits ne sont pas réglés, même si la rivalité continuera, ce soir-là la famille du Paris Saint-Germain s’est réconciliée autour de valeurs communes. Le respect, la soif de vaincre, la volonté d’encourager. La fierté d’être Parisiens.

Certains diront qu’il est dommage de devoir attendre la mort d’un des nôtres pour nous serrer les coudes, enfin. D’autres positiveront, et diront qu’au moins Mathieu aura su nous rassembler. Même si je ne le connaissais pas vraiment je préfère voir les choses ainsi. Dans mon esprit, nul doute que ce Parisien était content de notre match à tous dimanche soir. Parce qu’il était là, au Parc, et parce qu’à lui tout seul il nous a montré la voie. Que désormais tout cela nous serve de leçon. Chateaubriand a écrit : « J’ai trop peu de temps à vivre pour perdre ce peu ». Ne nous gâchons plus l’existence avec des combats stériles. Comme Mathieu nous l’a montré dimanche, le paris importe plus que tout.

J’ai une pensée pour ses amis, pour les Boys, pour sa famille et pour Antoine, de Villiers St Frédéric. Courage.



Arno P-E
« Dernière édition: 23 Mars 2006 à 14:54:22 par Arno P-E » Journalisée

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