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Auteur Fil de discussion: Comment peut-on supporter Lyon ?  (Lu 3260 fois)
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Arno P-E
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« le: 05 Août 2006 à 03:07:20 »

Le premier match de la saison à peine terminé, certains voient déjà l’Olympique Lyonnais remporter son sixième titre de champion. Et le doute s’installe. A quoi bon supporter Paris dans ces conditions ?

Les années passent et se ressemblent. Même mené au score, même sans ses internationaux, même à l’extérieur, pour un match de reprise, Lyon gagne. Et toute une génération d’amoureux du ballon rond, qu’ils soient joueurs, dirigeants, voire supporters d’avancer résignés, prêts à poser leur tête sur le billot. Personne n’ose viser le titre, personne n’ose émettre l’idée que l’OL puisse ne serait-ce que peut-être éventuellement se planter (on ne sait jamais, sur un malentendu...). Et les néos supporters, ces ados même pas encore boutonneux qui n’ont connu que la bande à Aulas de te toiser quand tu arbores tes couleurs... Mais comment peut-on supporter un autre club que Lyon, puisque seule cette équipe remporte le titre majeur ? Les pauvres...

La vérité c’est qu’ils me font de la peine tous ces moutons de Panurge, à suivre leur olympique rhodanien. La vérité c’est que je n’échangerai jamais mon baril du Paris SG contre deux barils de l’OL. Jamais. Oui, ces cinq dernières années, la capitales des gaules a remporté le championnat. Ils peuvent d’ailleurs bien en gagner vingt à la suite si ça les amuse, ça ne changera jamais rien. A quelques heures de Paris SG – Lorient, et après ce Nantes – Lyon, à l’aube de cette saison, je mesure une nouvelle fois tout ce qui fait la différence. Ce qui compte. Le Paris Saint-Germain est vivant.

Je vais bientôt rejoindre le Parc, qu’est-ce que vous venez m’expliquer que seul le stade Gerband peut satisfaire un supporter ? Mais je veux vivre ma saison dans un stade ! Pas dans un petit tas de ciment posé sur un gros tas d’immondices, au milieu d’un tas d’usines, le tout au cœur d’un fleuve qui ne charrie que des détritus puants. Un stade ! Qu’est-ce que vous venez me parler de votre décharge à ciel ouvert quand je vis ma passion dans un écrin posé au milieu du XVIe arrondissement ? Gardez-vous votre fosse septique : pour cette reprise, je retourne au Parc !

Et en passant, gardez-vous aussi vos joueurs, vos faux brésiliens qui ne savent que briser des genoux, faire des mains non sifflées dans la surface, et taper des coups francs face à Porato et Revault. Tout à l’heure, je retrouve Raì. Après cela, ne venez pas m’expliquer que Juninho est autre chose qu’un joueur de Playstation, une pâle copie. Une reproduction au un millième d’un vrai Brésilien. Juninho est plat, il n’exhale rien, ne dit rien, ne fait rien. Il se traîne de coup-franc en coup-franc, attendant qu’un de ses coéquipiers se jette au sol à l’entrée de la surface, et que Carew balance son défenseur avant d’essayer de mettre la tête. Je vais voir Raì, avec en tête les images de Paris SG – Steaua Bucarest et son poing rageur, le ballon sous le bras après l’ouverture du score. Je retrouverai Raì avec le souvenir de cette talonnade en finale de coupe contre Lens. Vos playmobils, je vous les laisse. Le dernier capitaine emblématique de la Seleçao est à Paris.

Alors bien entendu, le stade, les joueurs, ce n’est pas tout... Il reste les adeptes de Musset qui me feront remarquer que le flacon importe peu, du moment que l’on a l’ivresse. Ils ont bien raison. Sauf que malgré tout le Beaujolais du monde, l’ivresse demeurera une spécialité parisienne ! Où est l’émotion à Lyon ? Où est la vie ? Où est la joie, l’émotion ? Quel plaisir y a-t-il à supporter un club qui gagne... si au bout du compte tout le monde s’en fout ?

Dans la victoire ou la défaite, la passion est à Paris

Parce qu’il faut bien le dire : tout le monde s’en tape ! Les joueurs ont beau sortir en peignoir et claquettes dans les rues de Paris au soir de leur cinquième titre, pour fêter l’évènement, ça n’en reste pas moins une troupe de péquenots ravis d’avoir vu des Bordelais tenus en échecs. Ca c’est de l’exploit. Youpi tralala. Moralité ? Une demi fête la veille, sur le trottoir, et une victoire contre Paris le lendemain. Certes. Mais une victoire qui ne sert à rien puisque le titre était déjà gagné la veille. Ou, plutôt il était déjà perdu pour les autres... Et onze ploucs en tongs et sortie de bain au pied de leur hôtel, devant des Parisiens plus gênés pour eux qu’autre chose. Où est le fun là-dedans ? Vous avez tous vu les images. Où est la vie là ?

Allez, on va plutôt se peindre le crâne en rouge et gris pour notre retour devant nos supporters, ça c’est fun. Non ?

Hum... Dommage qu’ils n’aient pas pensé à jouer en perruques bouclées finalement...

Maintenant prenez un Loko, emmenez-le en sortie de boîte de nuit et enlevez-lui le peignoir... On dira tout ce que l'on voudra, mais dix ans après ça a toujours le même effet. On a beau le prendre par tous les bouts (et c’est le cas de le dire), question impact, c’est autre chose.

Le Paris Saint-Germain déborde de passion, c’est un catalyseur. Bonne ou mauvaise nouvelle, la moindre affaire et tout explose. A Lyon, ils récupèrent Abidal et Malouda après leurs vacances, et les deux gars annoncent tranquillement à la presse qu’ils aimeraient bien quitter l’OL... malgré une revalorisation de contrat. La grande classe. Finalement j’ai pris le melon et je me dis que votre équipe est un peu merdique, si ça dérange pas j’irais bien ailleurs... Mais imaginez la même situation avec Pauleta, ou même Rozehnal à Paris ! On en aurait pour des semaines d’articles dans L’Equipe et le Parisien, avec interviews croisées, demandes d’explications au coach, aux copains du joueur, des rumeurs de contrats juteux dans toute l’Europe, des coups de gueule en tribunes avec banderoles assassines, menaces de grèves et/ou d’affrontements... Bref une semaine comme on en voit plusieurs fois par an de ce côté-ci du Périphérique. Là, non. Rien. Tout le monde s’en contrefiche. Le lendemain, ça fait cinq lignes dans L’Equipe : bon bah finalement ils veulent partir mais ils vont sans doute rester. Discussion entre deux journalistes rhodaniens :
« - Et sinon, tu vas en parler toi du fait que Abidal veut faire une Fiorèse-Cana ?
- Bah non, faudrait que j’aille à Tola Vologe interviewer des gars, et j’ai oublié mon masque à gaz et ma combinaison anti-amiante.
- Ah... Moi j’y vais, mon beau-frère m’a refilé un vieux bidon de dioxine à enterrer, alors j’en profite pour faire un entrefilet. »

Et dans une semaine, les supporters vont retrouver Malouda et Abidal qui veulent se casser, crachent sur leur club dans la presse, et ils vont gentiment scander leur nom dès le prochain match. Youpi. Faut dire qu’ils sont habitués, depuis le temps que Govou leur explique qu’il aimerait bien jouer ailleurs (genre dans un vrai club, pour changer)...

Mais comment voulez-vous que je supporte un club pareil ? J’ai besoin d’autre chose. Il faut que ça bouge ! Que Paris gagne deux rencontres et toute la France nous voit champions. On vit un pied extra, déjà au sommet. Que l’on perde la rencontre suivante et la presse voudrait que l’entraîneur soit éjecté pour que l’on évite la relégation qui va bientôt poindre. Au moins, à Paris il se passe toujours quelque chose ! Alors ça s’énerve, on gueule, on écrit sur des forums tout et son contraire, chacun pensant que l’autre est le pire des crétins... Et au bout du compte, le plaisir, il est là ! Comment accepter de rester indifférent ?

Parce que pendant ce temps, à Lyon, quand ils ont dix points de retard sur Monaco et qu’ils se font ridiculiser sur le rocher dans la foulée, personne ne s’affole, on ne bouge pas. Alors vous me direz, du coup ils sont tranquilles pour bosser, et au bout du compte, ils ont pu revenir sur Monaco. Re-certes. Ils ont pu remporter le championnat. Mais si pour cela il faut rester immobile trente-huit matches de suite, l’œil aussi vide qu’un Jacques Santini, à quoi bon ?

De toutes façons on voudrait faire la même chose au Parc qu’on en serait incapables. Que voulez-vous, on ne se refait pas, et je crois bien qu’à Paris, on est désespérément vivants. Pas meilleurs, pas plus intelligents ni plus beaux que les autres. Mais vivants. Que l’on gagne ou que l’on perde. Parce qu’il se passe quelque chose. Alors quand je croise un type avec un maillot floqué Chèques Déjeuners – Hôtel Ibis, je le toise à mon tour : Mais comment peut-on supporter un club froid, sans passion, avant d’avoir atteint l’âge de la retraite ? Et je suis fier d’être Parisien. Encore, et toujours.


Arno P-E
Journalisée

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