.J'ai repris le début de la vieille chronique, par flemme, la seconde moitié est nouvellePeut-on être supporter parisien sans être anti-marseillais pour autant ? Devons-nous insulter les joueurs, et les supporters de l’OM tout au long de l’année pour prouver que notre cœur bat Rouge et Bleu ? Ce rejet de l’équipe phocéenne fait-il partie de notre Histoire, de nos gênes ?
Trop écouter la rumeur populaire pourrait convaincre son monde. « Oui, tous les parisiens sont anti-marseillais, il en a d’ailleurs toujours été ainsi... » proclament les colporteurs d’idées reçues. Sauf que cette rivalité footballistique n'est pas si vieille que cela, et encore moins naturelle. Alors bien entendu la rivalité remonte à loin. Il y a eu des défaites et des victoires mémorables face aux Olympiens, depuis la fin des années 1970, et durant toutes les années 1980. Les anciens se souviennent par exemple avec amertume de la rencontre à Marseille en 1989 qui coûte un titre de Champion de France aux Rouge et Bleu, et lance les Phocéens sur leur fameuse série. Mais on a vécu le même genre de péripéties contre Bordeaux, Nantes et bien d’autres pensionnaires de L1. A partir de là, qu’est-ce qui fait que l’OM devrait être traité différemment, à en croire la vindicte populaire ?
Canal a créé un derby de France artificiel pour doper la L1
Les prémices de la nouvelle rivalité entre les deux clubs sont à chercher au début des années 1990, avec la venue de Canal + à la tête du Paris SG. Remontons quinze ans en arrière : la chaîne cryptée a sur les bras un produit peu intéressant, mais qui a un énorme potentiel attractif : le Championnat de France. Cette compétition est dominée par une seule équipe au budget hypertrophié, qui truste les titres. La différence de moyens entre Marseille et le reste du plateau n'a rien à voir avec ce que l'on connaît actuellement. On parle de moyens doublés, ou triplés non pas par rapport aux équipes de milieu ou fin de classement, mais par rapport au deuxième budget de France. Comme si aujourd’hui Lyon avait un budget de 160 millions d’euros. Si cette suprématie exaltait les téléspectateurs en Coupe d'Europe sur TF1, Canal traînait alors le Championnat comme un boulet, week-end après week-end. Il s'agissait donc de doper ce long marathon en introduisant un challenger sérieux. L'emploi du terme « dopage », quoique choquant, n'est pas exagéré ici, puisque la chaîne avoue le côté artificiel de la tentative d'amélioration des performances. On créé un adversaire à l’OM, on achète et relance un autre club pour renouveler l'intérêt sportif moribond.
Mais l'idée de génie, point de vue marketing, réside dans le fait que les nouveaux propriétaires du Paris SG ne se sont pas arrêtés là. En plus d'une rivalité footballistique, délicate à créer et à entretenir sur le long terme, ils vont monter de toutes pièces une rivalité de supporters. Comment ? En multipliant les déclarations tapageuses, les journalistes de la chaîne axant leurs propos, leurs reportages sur le côté affrontement dans les tribunes, oubliant délibérément le terrain. Puis les médias relayent et amplifient les provocations que les dirigeants des deux côtés ne manquent pas de s'adresser, et, surtout, ils mettent en exergue la violence de certains supporters. Ils imposent en fait cette violence, la normalisent en la présentant comme un fait établi : « oulà, de toutes manière à Paris les supporters sont violents, il n'y a rien à en faire, et puis à Marseille on a vite fait de s’énerver, c'est compréhensible, là-bas ils ont le soleil, ça donne le sang chaud ».
En dehors du fait que les débordements parisiens soient honteux quand leurs équivalents marseillais ne sont dus qu'au climat, on peut s'étonner, voire s'offusquer de la manière dont ces agissements ont été indirectement encouragés, puis traités par la presse.
L'étincelle jetée, tout ce petit monde attend, et contemple... La bêtise, et le manque de discernement de nombreux moutons de Panurge des tribunes feront le reste. On vous agite un petit foulard rouge devant les yeux, en vous glissant à l'oreille que les gars d'en face vous insultent depuis des années, et cela suffit à faire charger certains. Une poignée d’adversaires répond à la provocation, ce qui motive un groupe toujours plus nombreux en face, etc.
Désormais, il y a un gros contentieux, bien entendu. Les supporters des deux côtés ont subi tant d’agressions, d’insultes, ou de coups bas... Il ont désormais à portée de mains toutes les excuses possibles et imaginables pour justifier leur rancœur, voire leur haine du clan ennemi.
A quoi ça sert un anti-Marseillais le reste de la saison ?
Mais faut-il en déduire que tous les Parisiens sont anti-Marseillais ? Ce serait oublier quelques détails, pourtant importants : il faut bien comprendre que les personnes présentes au Parc des Princes lors des matches contre Marseille sont bien souvent des supporters que l'ont ne voit jamais le reste de l'année ; surtout en latérales. C’est très facile à vérifier pour les abonnés : ils se connaissent, sont voisins de sièges vingt fois par an, parfois depuis plusieurs saisons. Mais là on voit de nouveaux visages, de nouvelles personnes qui bien souvent n'y connaissent rien ! Des pseudo-supporters qui ne croient défendre le Paris SG qu'au travers d'une ridicule haine de l'OM.
Ces gars débarquent pour leur match de l'année pensant qu'il est de bon ton d'insulter l'adversaire pendant quatre-vingt dix minutes, bien entendu sans jamais encourager leur équipe. Des imbéciles qui ne s'intéressent pas au club de la Capitale le reste de l'année et croient, parce qu'on le leur à dit si souvent, qu'au Parc on tape sur tout le monde match après match... Et du coup ils trouvent logique de balancer un siège du haut d’un gradin sur les supporters adverses, ou de projeter une chaise sur la vitre d’un car de joueurs. Des touristes qui débarquent au Parc une fois l’an, persuadés qu'on se balade toute la saison dans les rues avec des écharpes sur le nez, pour se camoufler au cas où les CRS chercheraient à nous ficher, touristes qui jouent aux chauds à quelques bonnes dizaines de mètres des playmobils (marge de sécurité minimale), histoire de... Des supers héros des tribunes qui passent quatre-vingt-dix minutes le majeur dressé (s’entraînent-ils chez eux pour atteindre une telle endurance ?), tournés vers la tribune ciel et blanc...
Paris n’a pas besoin de Marseille pour exister !
Mais où sont-ils le reste de l’année ces véritables supporters de la Capitale, garants auto-proclamés sur le web de notre identité ? Et en quoi leur haine aide-t-elle le Paris SG ? En quoi tout ce folklore, à peine vieux d’une douzaine d’année serait-il obligatoire, ou utile pour les Rouge et Bleu ? Le club de la Capitale a très bien vécu pendant les deux tiers de son existence sans subir ce type de comportement. Jusqu’à l’arrivée de Canal, le Paris Saint-Germain n’a pas eu besoin de la haine de l’OM pour se construire une véritable identité.
Paris est la Capitale. La première ville de France. Quand on est premier, on a pas besoin de se juger par rapport à un modèle. On n’a pas besoin de se comparer à ce qui se fait de mieux, puisqu’on est déjà le mieux ! la Ville de Paris n’a pas besoin de Marseille pour exister. Eux peuvent se jauger par rapport à nous. Parce qu’ils sont derrière. Eux peuvent se construire dans le rejet d’une Capitale qu’ils imaginent régenter injustement leur quotidien. Eux peuvent nourrir des complexes et vivre leur vie dans une comparaison qui tournera toujours à leur désavantage. Nous n’en avons nul besoin d’eux. Et tant pis pour eux si la réciproque n’est pas vraie.
Sportivement parlant, nous pouvions nourrir quelques complexes au début de cette période qui a vu naître cet antagonisme Paris SG – OM. Marseille gagnait des titres au début des années 1990, et nous battait systématiquement. Oui, il y avait frustration et jalousie dans nos rangs. Mais depuis, nous les avons battus sur tous les terrains. Alors pourquoi entretenir le souvenir d’une époque révolue où ils étaient meilleurs que nous ? Ils n’ont rien remporté depuis plus de douze saisons, alors que pendant ce temps nous avons tout ramené au siège du club : champion de L1, coupe d’Europe, coupes nationales... D’un côté il y a ceux qui engrangent, de l’autre ceux qui rajoutent une ligne vierge par an à leur palmarès. Là aussi, le moins que l’on puisse dire, c’est que nous ne luttons plus dans la même catégorie. Alors pourquoi s’exciter contre une équipe désormais anonyme ? Une équipe qui vit sur un passé qu’aucun jeune supporter n’a vécu ? Une équipe de livre d’histoire, comme Reims ou Saint Etienne.
Et si on arrêtait de gueuler « Marcel, Marcel, on t’enclume » un samedi sur deux...
Même dans nos face-à-face, le Paris SG a su redresser la barre, et équilibrer un bilan jusque là très négatif. Ces dernières années, les Rouge et Bleu ont remporté leurs matches face aux Olympiens dans tous les cas de figure possibles et imaginables : à Marseille, à Paris, en coupe de France, à 10 contre 11 avec une équipe bis à l’extérieur, aux tirs au but, en finale au Stade de France... Pourquoi en faire tout un plat ? Il n’y a plus d’inquiétude à nourrir, nul sentiment de revanche à satisfaire.
Paris n’a désormais aucune raison de monter tout un fromage autour d’une équipe qui, sans ces joutes annuelles, serait tombée depuis belle lurette dans l’oubli qu’elle mérite. Si on ne parlait pas d’eux trois fois par an, lors de nos rencontres, personne n’aurait rien à dire des marseillais. Une équipe qui ne gagne rien, et se fait éliminer chaque fois qu’elle croise le chemin de la Capitale qu’elle critique tant.
Sans les anti-marseillais, qui maintiennent leur ennemi intime à la surface des journaux, cette équipe sombrerait dans une belle indifférence. Il s’agit de se demander quel club a besoin de l’autre pour faire parler de lui, pour se construire, et pour exister. Le Paris SG existe par sa ville, qui pèse sur le monde, et par son palmarès récent, qui s’enrichit d’une coupe tous les deux ans pendant que d’autres ne gagnent rien. Peut-être que si plus personne ne criait «
Marcel, on t’enclume » à chaque fois que l’on donne les scores au Parc à la mi-temps, l’OM retournerait à la seule place que les véritables anti-Marseillais devraient lui souhaiter : au cœur d’un troupeau de clubs qui nous laissent indifférents. Bien au chaud, aux côté de toutes ces autres équipes qui ne présentent aucune autre utilité que nous servir d’adversaire dans notre quête de titres. Anonyme et sans intérêt.
Même sans l’OM, l’histoire du Paris Saint-Germain deviendra légende. Nous n’avons pas besoin d’eux.
Arno P-E