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Auteur Fil de discussion: Article : Foot et langue de bois  (Lu 4637 fois)
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Robur
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« le: 10 Septembre 2005 à 09:16:09 »

Bonjour à tous,

voilà longtemps que je ne réagis plus, mais je lis avec plaisir vos commentaires et débats. Je tiens tout particulièrement à saluer la qualité des animations proposées ici : bravo, continuez !

Je vous propose un article sur le foot et sa langue de bois qui, s'il ne vous surprendra pas, donne par contre à réfléchir, à relativiser, à adopter un autre point de vue que celui du supporter.
J'espère que ça vous intéressera.

Je propose le lien vers l'article ainsi qu'un copier/coller. Vous remarquerez que je n'ai pas pris le temps de refaire la mise en forme de l'article : j'ai pô le temps.

Très bonne journée à tous.
Rob



Libé : Le franc parler sur la touche

Citation
Le franc parler sur la touche

«Seule la vérité du terrain compte» ; «Le plus fort a gagné ce soir» ; «On va continuer à travailler»... Le monde du football cultive les formules toutes faites et dénuées de sens. Décryptage d'une langue de bois, qui rime avec succès et enjeux financiers.

Par Etienne LABRUNIE
vendredi 09 septembre 2005 (Liberation - 06:00)


l'arbitre vient de «délivrer les équipes». Le match a enfin «touché à son terme». Les commentateurs délaissent leurs postes pour rejoindre les vestiaires embués où les héros du soir, simplement vêtus, se congratulent. Puis, en solo, le capitaine de l'équipe, torse poil, serviette en paréo, s'avance vers le journaliste de la télévision ayant chèrement acquis le droit de partager ce moment. Alors heureux ? «On savoure le résultat car l'essentiel est de prendre du plaisir», rétorque-t-il aussi sec.

Bienvenue dans le monde merveilleux du foot où la langue d'ébène est enracinée. Un gazon béni pour les caricaturistes de tout poil et sur lequel les «coaches» en communication prospèrent. Un terrain peuplé de «groupe qui vit bien ensemble», où chacun s'accorde à reconnaître que «le plus important est de prendre les matchs les uns après les autres» et cela «sans se poser de questions», où les vainqueurs «ne veulent retenir que la victoire».

Lieux communs et mimétisme

Chez ces gens-là, on cause en crypté. On jongle avec les tabous, business oblige. L'argent qui coule à flots ? Evoqué façon puzzle. Exemple : «Le club m'a manqué de respect» signifie qu'il manque un zéro sur le chèque ; son contraire : «J'ai signé ici car j'ai adhéré au projet.» Les joueurs ne sont pas les seuls concernés. Les dirigeants n'hésitent pas non plus à cultiver les formules de circonstance. Ainsi, les soirs de défaite, ils ne manquent jamais de nous rappeler que «le foot reste un jeu» ou lâchent, la main sur le coeur, que «seule la vérité du terrain compte».

Le foot possède donc sa langue officielle. Le principe de base ? Lancer une vérité absolue, du genre «le plus fort a gagné ce soir», suivie d'un voeu pieux, par exemple «on va continuer à travailler», les deux formules étant reliées par la très tendance conjonction de coordination «à partir de là». «Ces lieux communs sont nés d'un phénomène de mimétisme. Chacun écoute ce que dit l'autre et le reproduit», explique Jean-Louis Morin, directeur de Sport ­ Communication et Evénements.

Le parallèle entre le foot et la politique intéresse le linguiste Dominique Desmarchelier qui, avec le politologue Denis Barbet, planche sur le sujet pour la revue Mots. «C'est du Canada Dry argumentatif, qui a l'allure de l'argumentation mais qui n'en est pas», dit Desmarchelier qui note que, dans le football, «on fait dans le viril, mais correct, et les antiphrases du type "je retiens que l'on n'a pas perdu"», et, en politique, «on convoque les opinions généralement admises avec conviction».

Un milieu où règne l'omerta

Depuis cinq ans, Jean-Louis Morin, ancien journaliste radio aujourd'hui à son compte, organise des stages de communication et des medias training ouverts à ceux qui portent flottants ou survêtements. Il a réussi à s'incruster auprès des entraîneurs en formation et pris l'habitude de commencer son cours par une sélection d'expressions cultes pour en souligner la platitude. «J'aime beaucoup : on a su élever notre niveau de jeu.» Parfois les acteurs eux-mêmes s'en amusent. Ainsi, Jérôme Alonzo, le gardien du Paris SG, déclarait récemment : «Bon, je ne vais pas vous dire qu'on va jouer les matchs les uns après les autres, car, comme vous le savez, de toute façon, on ne peut définitivement pas les jouer tous en même temps.»

Alors pourquoi diable le football s'enferre-t-il dans sa caricature ? «En faisant ces réponses-types, on est dix fois moins emmerdé», répond Michaël Landreau, le gardien de but international du FC Nantes. Sortir du cadre, c'est s'exposer aux représailles. L'année passée, ce dernier s'est démarqué en fustigeant la mauvaise gestion de son président et les limites de son entraîneur. «Je ne regrette rien, même si la suite n'a pas été simple», concède-t-il. Certes, le président et l'entraîneur ne sont plus là, mais Michaël Landreau a dû faire face à la critique du monde du foot qui lui reproche de «laver son linge sale en public». Symptomatique d'un milieu où règne l'omerta.

Les clubs, mués en entreprises de spectacle, s'évertuent à mettre au point une tactique de communication de plus en plus agressive et encadrée. «On représente un club, des joueurs et finalement sa société, du coup on ne peut pas dire n'importe quoi», justifie Guy Lacombe, l'ex-entraîneur de Sochaux (évincé de son poste cet été après un long bras de fer médiatique l'opposant à son président). «En France, dès qu'il y a un minimum de pognon en jeu, quel que soit le secteur d'activité, il vaut mieux s'écraser», lâche Jacques Glassmann. L'ancien joueur de Valenciennes, qui est pourtant celui qui a brisé la loi du silence en 1993 dans l'affaire OM-VA, se défend d'être un exemple : «J'ai été confronté à une chose grave que je ne pouvais pas garder pour moi, c'est dans ce cadre que j'ai brisé la langue de bois.» Aujourd'hui responsable de la reconversion des joueurs auprès de l'Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP), il conclut : «Pourquoi est-ce que le foot échapperait à une langue de bois qui touche toute la société ?»

«La langue de bois est de mise dans un souci d'autodéfense, argue Guy Lacombe. Les médias ont un rôle extraordinaire, et la moindre de nos déclarations, rapportée souvent hors contexte, peut nous causer un tort terrible», ajoute-t-il. Sollicité par Libération, Raymond Domenech, le sélectionneur national, n'a pas souhaité prendre part au débat : «Vu les rapports avec la presse à l'heure actuelle, Raymond préfère se contenter des conférences de presse minimum», répond-t-on à la Fédération française de football. Dernièrement, le dieu Zizou lui-même s'est mis en colère suite aux exégèses liées à sa résurrection en Bleu : «J'ai fait des articles et des interviews où j'ai voulu dire aux personnes comment j'étais. A partir d'aujourd'hui et suite à ces réactions pénibles, je n'aurai plus rien à dire et je ne dirai donc plus que le strict minimum.» Ainsi soit-il.

Première victime de ce système, le joueur. «En gros, pour la majorité des gens, c'est une truffe qui gagne plein de fric», résume Jean-Louis Morin. «Les gens peuvent penser ce qu'ils veulent, mais on est 500, il ne faut peut-être pas faire de généralités», ajoute Michaël Landreau. «Il faut aussi savoir que les questions des journalistes ne respirent pas toujours l'intelligence», explique Pierre Ménès, journaliste à l'Equipe pendant vingt ans, qui vient de rejoindre le Stade de Reims au titre de responsable de la communication et du recrutement.

La victoire des Bleus à la Coupe du monde de 1998 a accéléré et amplifié le phénomène. Les joueurs ont dû composer avec une notoriété nouvelle et un cadre qui dépassait le simple jeu de tête ou la puissance du tacle glissé. Propulsés sous les sunlights, Zidane, Barthez, Lizarazu et consorts ont enchaîné les plateaux télé, leurs histoires de coeur squattent les unes des magazines people, et ils n'en finissent plus de boire de l'eau minérale ou d'embrasser des hamburgers. Et la décrue n'est pas pour demain. Pour s'en convaincre, il suffit de rappeler que Canal + a décidé de débourser 600 millions d'euros par an pour crypter en exclusivité les trois prochaines saisons du championnat de France. Avec pas moins de trois matchs par semaine et autant d'interviews à chaud. Les footeux squattent la lucarne.

Boom des coachs en communication

«Personne n'est préparé à participer à Drucker, glisse Christophe Kukawka. Les footballeurs n'allaient pas devenir des présentateurs TV du jour au lendemain.» Cet ancien journaliste et responsable des relations extérieures du Paris SG est aujourd'hui patron d'une agence de com. Il envisage aussi de proposer ses services comme consultant auprès des clubs.

La profession de «coach en communication» a le vent en poupe. Des journalistes, dont certains en activité, proposent des stages intensifs en technique d'interview et conseillent les dirigeants sur la conduite à tenir. Des clubs réceptifs ont intégré chacun un homme de communication. L'ensemble des clubs de Ligue 1 ont désormais chacun leur site Internet où s'enchaînent les communiqués, les «informations» ou les interviews de joueurs. Une voix officielle qui ne peut dérailler.

L'insoumis et son «sac à merde»

A l'image de ce qui se passe en Espagne ou en Angleterre, les clubs français lancent leurs chaînes de télévision. Après OM TV, créée en 1999 (accessible via le satellite et qui annonce 27 000 abonnés), Lyon, quadruple champion de France, a lancé son canal 100 % foot (OL TV) à la mi-août. Le Toulouse FC développe TFC TV (visible sur la chaîne régionale Télé Toulouse). Enfin, les joueurs ne s'en laissent pas conter et s'offrent eux aussi leur tribune. Sur leurs sites «perso», ils livrent leurs vérités «officielles», leurs états d'âme et pseudo-confidences. A l'exemple de Zidane, annonçant sur le Web son retour en Bleu. A l'heure du tout-business et de l'explosion du haut débit, le support possède en outre l'avantage d'être lucratif.

Peut-être surgira-t-il un insoumis dur sur l'homme comme Eric Cantona qui traita, par exemple, le sélectionneur des Bleus de «sac à merde», quand il ne jouait pas l'Aristote habile de ses deux pieds : «Je joue pour me battre contre l'idée de perdre.» Il ne faut jamais dire jamais, mais l'époque est davantage à la positive attitude. «Qui aujourd'hui a envie d'entendre que machin est une buse et l'entraîneur une crêpe ?» interroge Patrick Mignon, sociologue à l'Institut national des sports et de l'éducation physique (Insep). Le footballeur doit désormais «savoir gérer ses émotions». Tout est dit.

Moralité : «Ne nous enflammons pas», comme disent les intrépides du ballon, et, si agressivité il y a, elle doit être «dans le bon sens du terme». De toute façon, on s'arrêtera davantage sur son fameux pied gauche ou sa féline technique, «le reste, comme dirait Thierry Roland, n'est que littérature» .
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cold187
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« Répondre #1 le: 10 Septembre 2005 à 18:27:44 »

Somptueux

Je n'achète pas souvent Libération et je te remercie d'avoir partagé ce texte avec nous. Je bosse depuis 10 ans dans la communication et il est vrai que j'ai beau voir un bon nombre de matchs par an à la télévision, je n'en reviens jamais des propos des joueurs comme des entraîneurs. Je ne sais si le texte la contient mais il y a une phrase que je n'ai jamais comprise : "on va se mettre minable". Et puis, à écouter les acteurs de ce sport, tous les matchs semblent se ressembler. D'un autre côté, ils ne sont pas aidés par les journalistes qui leur posent toujours les mêmes questions au bord du terrain, dans les vestiaires ou à l'entrainement. Canal+ a "innové" cette année en introduisant le commentaire de l'arbitrage par un ancien arbitre. Déjà que le recyclage des joueurs en consultant n'est pas toujours probant mais là, c'est le summum.

Enfin, merci encore pour ce moment de bonheur de lecture ...

cold187 Sourire
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« Répondre #2 le: 10 Septembre 2005 à 23:48:09 »

J'ai lu il y a un an cet article dans le Monde Diplomatique qui m'avait frappé :
Fausses valeurs de l’idéal sportif -  Les héros mythifiés de l’olympisme
Ce n'est pas très réjouissant, mais au moins après, on est un peu plus lucide sur ce qu'on cherche et ce qu'on trouve quand on est supporter.

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Ah ! le sport et ses représentants...
Finalement, c'est un milieu relativement schyzophrène. Notamment quand on pouvait (et peut toujours) entendre des mecs comme Guy Roux ou Arsène Wenger. D'un côté, ils défendent sur tous les fronts les "valeurs" du sport, de l'autre ils se comportent en voyoux sur les terrains, sauf quand ça les arrange : le fairplay, de temps à autre, c'est tjs bon pour l'image.
On retrouve la même schyzophrénie chez les journalistes. Ils traquent le dopé et le dopage (ils défendent l'éthique les journalistes !), foule du pied ceux qui se font prendre mais sont les premiers à porter aux nues le vainqueur (Amstrong ?) et à balayer à ce moment les "affaires" : faudrait pas gâcher le spectacle.
Le fric fait tout déborder, déforme tout.
Du coup, quand je lis Sin qui rappelle constamment que ce PSG là, ce n'est plus son PSG... j'en arrive à me dire que le supporter et le spectateur ont le choix entre être lui-même schyzophrène (faire semblant de croire à un sport défendant des valeurs), cynique (il sait mais s'en fout) ou plus du tout supporter (il y croit plus)... .
Quant aux joueurs, aux journalistes, aux entraîneurs, de manière évidente, ils font un job. S'ils ne se prêtent pas au jeu, non seulement pas de boulot, mais en plus ils sont exclus de la communauté (voire l'affaire VA-OM ou du dopage dans le cyclisme : tous ceux qui parlent sont bannis, exclus...).

Si y'en a que le sujet intéresse, voici deux autres articles sur le sport du Monde Diplo :
Le sport, c’est la guerre - Géopolitique des Jeux olympiques
Paris 2012 - Non à l’imposture olympique !
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