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Auteur Fil de discussion: Entretien avec un Capo  (Lu 5312 fois)
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Arno P-E
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« le: 06 Avril 2006 à 20:05:12 »

 
 
Entre la vente du club qui doit « intervenir aujourd’hui ou demain » depuis huit jours, la sanction révoltante du CNE, mais la superbe prestation de l’équipe contre les Girondins, il y a de quoi dire cette semaine. Il y a peut-être même de quoi s’éparpiller. Dans ces conditions, autant privilégier l’essentiel. Et tenter de cibler quelques valeurs.
 
J’ai eu la chance de rencontrer Boat People, Capo des Supras Auteuil, et ancien président de ce groupe Ultra. Meneur de troupes, le Capo est ce membre qui passe le match dos au terrain, mégaphone à la bouche, afin de motiver ses camarades. Au Parc, les Capos ne sont pas nombreux, et chacun est une figure, connue et reconnue. Plongés dans leur association, ils ne recherchent pas la publicité, et préfèrent s’exprimer en tribune plutôt qu’en dehors. Obtenir ce rendez-vous était donc à la fois une chance, et une formidable opportunité. L’objectif était de faire un petit entretien, rapide, afin qu’il nous présente son groupe. Mais l’interview aura finalement duré plus de deux heures, sans tabou. Son parcours de supporter, son interdiction de stade, les Supras, leurs actions et leur avenir, la violence au Paris SG, Boat People n’a éludé aucun thème. Morceaux choisis...
 
 
Arno P-E : - Ca fait combien de temps que tu es aux Supras ?
Boat People : - Depuis le début. Je suis arrivé au Parc en 89-90. J’ai commencé par des places données par le conseil régional, en G, et tout de suite j’ai kiffé ce qui se passait en tribune. Au début il n’y avait que Boulogne, donc la saison suivante je suis allé à Boulogne, mais pas en abonné. Et quand je me suis abonné au bout de 2 ans ça a été à Auteuil. Et aux Supras.
 
A P-E : - Pourquoi les SA ?
BP : - Parce qu’à Auteuil il n’y avait qu’eux en 91 ! C’était vraiment le tout début. Les TM n’apparaîtront qu’en 93, et à cette époque, les LF étaient encore en K. Mais ils arrivent vite, janvier 92 je crois...
 
A P-E : - Mais pourquoi Auteuil alors ?
BP : - J’aimais bien la mentalité de Boulogne : Ne jamais baisser les yeux, être une tribune fière, défendre le club... Mais il y avait un problème politique. J’étais plus attiré par Auteuil et les SA, où le premier principe c’est supporter de manière inconditionnelle le PSG, et le deuxième c’est « tout le monde a le droit de supporter le PSG ». Pour moi c’était important.
 
A P-E : - Quelle est désormais ta fonction au sein des Supras Auteuil ?
BP : - Je ne suis plus président depuis mon interdiction de stade en février 2004. J’ai préféré laisser la présidence à Sélim : c’était une question de crédibilité, vis à vis des autorités notamment. Mais je continue à aider, j’ai fait la médiation pendant la grève de l’année derrière, je fais certaines réunions. Mais depuis Juin, c’est Sélim le président.
 
A P-E : - Comment fait-on pour devenir Président et Capo des SA91 ?
BP : - Au début j’étais comme tout le monde en tribune. Pas vraiment investi. J’ai commencé à 15 ans, je chantais, je me déplaçais avec ou sans les Supras, je suivais le club partout... Comme tout le monde. De 95 à 98 je suis resté en dehors du groupe, sans reprendre ma carte. Je m’étais embrouillé avec un des présidents de l’époque. Alors je suis resté à Auteuil, prêt des Supras mais sans reprendre la carte. Je me déplaçais de manière indépendante.
 
A P-E : - Et tu es revenu quand ce président s’est barré ?
BP : - Non, quand c’est allé mieux, quand on a réussi à parler. Quand les Supras allaient mal, aussi. 1998 c’était un changement de génération. On a eu les fondateurs, la première génération qui a duré jusqu’en 95, et puis de 96 à 98 il y a eu un trou. Le groupe a failli disparaître.
 
A P-E : - Pourtant vu du Parc, en latérales, au milieu des années 90, les SA c’est une grosse réputation.
BP : - C’est surtout grâce à un des leaders de l’époque, Shaoua. Il faisait la réputation du groupe, mais au moment même de son départ, beaucoup d’autres membres ont quitté les Supras, pour fonder les Karsud. Presque tout le noyau des SA s’y est retrouvé. Après quand il n’y a plus que 3 ou 4 personnes pour s’occuper de tout, ça ne peut plus marcher. Ils étaient limite à deux doigts de dissoudre le groupe.
 
A P-E : - Et aujourd’hui ?
BP : - Aujourd’hui c’est difficile, de nouveau. Il faudrait que des anciens restent. Après mon IDS j’étais pressé de reprendre, mais c’est pas forcément facile. On a trente, trente-cinq ans, des gamins... On ne pense plus pareil. Il faudrait que les anciens puissent épauler la nouvelle génération qui va reprendre le groupe. C’est au tour de la jeune garde aujourd’hui, mais là le groupe ne tourne pas bien, alors c’est dur pour les anciens. Parfois on voudrait juste venir en tribunes, voir nos amis, et surtout voir que le groupe tourne. En profiter un peu. 
 
A P-E : - Cette association, tu en parles presque comme d’un gamin.
BP : - (Réflexion) ...Oui, on aimerait le lâcher et qu’il vole un peu tout seul ce groupe. Il faut trouver un équilibre : laisser les jeunes se débrouiller un peu tout seul, mais pouvoir être là, pour les aider, aussi. Mon idéal pour la saison prochaine ce serait de redevenir un simple carté, et donner un coup de main là où vraiment je kiffe. Parce aussi d’autres qu’il y a des choses que l’on est obligé de faire, qu’il faut assumer. C’est pas toujours un plaisir.
 
A P-E : - Qu’est-ce qui te pèse ?
BP : - Pff... Partir en déplacement et être obligé de faire le keuf auprès de gars qui font n’importe quoi. Je suis ni un Gentil Organisateur, ni leur père. C’est toujours pareil : aujourd’hui on a un local. Ca veut dire qu’on peut se voir souvent, c’est génial. Mais ça veut aussi dire une logistique derrière : faut faire les courses au moins deux ou trois fois par semaine. Alors si on y va à plusieurs, que l’on tourne, qu’on rigole, ça va.  Mais quand c’est toujours le même qui va se faire chier à chercher la bouffe pour tout le monde...
 
A P-E : - Tu es dans un trip à l’anglaise ? La tribune et rien d’autre ?
BP : - Non, non... L’Angleterre ce n’est plus la référence. Pour moi c’est devenu trop soft : Tu te lèves une fois, deux fois, et la troisième c’est dehors ! On le voit bien, il y a beaucoup de supporters qui commencent à déserter les stades de Premier League pour redescendre sur des équipes  de quartier, pour être moins fliqués. L’Angleterre c’est devenu Disneyland.
 
A P-E : - Et ce qui te plait, encore ?
BP : - Moi quand je suis sur un podium je me retrouve, je suis bien, c’est sûr... Il est là mon rêve : 4000 mecs torse nu, une tribune en folie, Auteuil bleu avec une ambiance à la Grecque. Ca c’est ce qui me fait triper. Ca et organiser des trucs en dehors : on fait un truc génial avec un organisme qui s’appelle Street Soccer et qui organise la Coupe du Monde des SDF. Ca c’est génial.
 
A P-E : - Vous faites ça avec l’association « la Mie de Pain » ?
BP : - Oui. On a commencé à bosser avec eux il y a 2 ans. Ce type de trucs c’est pas vraiment le modèle Ultra. Ca fait partie du délire propre aux SA : solidarité, entraide. Ce qui nous intéressait aussi c’était de bosser sur un projet local. On supporte pas qu’un club, sur cette action, on supporte carrément une ville.
 
A P-E : - Parce que c’est une association parisienne ?
BP : - C’est la plus vieille association d’entraide aux SDF qui existe sur Paris. Ils bossent depuis 1893 à Paris, aident les gens depuis plus d’un siècle. Et nous Paris c’est notre ville. Pourquoi on est supporters du Paris SG ? Parce qu’on aime cette ville, son histoire : ça va au delà d’un club de foot. Et ça nous intéressait d’être actifs dans la vie de cette cité.
 
A P-E : - C’est dommage que ce ne soit pas relayé dans les médias...
BP : - Entre deux interviews sur la violence, j’ai toujours un journaliste pour me dire : « c’est intéressant, faudra qu’on fasse un sujet là dessus ». Sauf que les gars je les ai jamais vu arriver. C’est la carotte entre deux entretiens sur les gars qui se tapent.
 
A P-E : - Et Street Soccer alors, c’est quoi ?
BP : - On a demandé à la Mie de Pain en quoi on pouvait les aider cette année. Par le passé on a fait des collectes, on leur a trouvé des jeux de maillots. Ils voulaient faire une équipe de foot pour SDF. Or là, cette année c’est la Coupe du Monde des SDF. Ballons, dossard, short, tout ça c’est fait. On les a aussi emmenés sur des tournois.
 
A P-E : - Et maintenant ?
BP : - Le but c’est d’envoyer une équipe de SDF pendant leur  coupe du Monde en Afrique du sud. Ils vont la jouer pendant ce mois de juin, en même temps que l’autre en Allemagne. Ils vont prendre 2 joueurs dans chaque association (Secours Populaire, Mie de Pain, etc.) et faire une équipe. Ils avaient surtout besoin de financement, pour les billets d’avion, l’hébergement etc. Pour ça on pouvait les aider.
 
A P-E : - Comment avez-vous fait ?
BP : - On a réussi à réunir des financements avec les gens que l’on connaissait : D’Hallivillée au Paris Saint-Germain (nd A P-E : Directeur de la communication et de la sécurité du Paris SG), Cherki à la Mairie de Paris (nd A P-E : Adjoint de Delanoë attaché aux questions sportives). Grâce à eux on emmène ces joueurs là-bas, accompagnés par trois Supras. Maintenant, on est Parisiens, alors le but, c’est de la ramener cette Coupe du Monde, au Parc des Princes, dans les années à venir. On bosse là-dessus, on sert de relais. Mais le but, c’est la Coupe du Monde, dans notre stade. Ca, ça le ferait !
 
A P-E : - Ca représente pas mal d’argent tout ça. Ca ne vous cause pas de problèmes ?
BP : - On fait attention à qui on confie la trésorerie parce que c’est vrai que l’on brasse beaucoup d’argent. Alors parfois, certains sont tentés... Ca nous est arrivés au tout début. Quand on était dans l’artisanal. En fait je crois que ça doit être arrivé un peu dans toutes les associations.
 
A P-E : - Mais tous ces efforts, ces déplacements, ces réunions, ces aides pour Paris... On attend quoi en retour ?
BP : - Rien!... Des choses en retour on aurait pu en avoir plein. Si on avait voulu faire du business c’était facile. Un équipementier qui te fait des propositions par rapport à de la sape, pour toucher des dividendes, etc. On aurait pu faire ça. On eu plein de propositions... Des associations qui te proposent un emploi en CDI si tu prends position en leur faveur, en citant leur nom. Tout ça on a eu.
 
A P-E : - Et Hechter ?
BP : - Ah, Hechter ! Pendant la médiation j’ai un coup de fil sur mon portable : <i>« c’est Hechter, je veux vous aider »</i>. Attends, le gars c’est un ancien président... Respect déjà. On le rencontre, on discute, il nous dit que ce qui se passe dans le club est inadmissible, qu’il veut faire quelque chose pour nous... Ok. Sauf que nous, on lui a rien promis.
 
A P-E : - Vous avez pourtant eu des critiques.
BP : - Oui, on nous dit qu’on était manipulés. Mais on a fait quoi pour Hechter ? Rien ! Il est toujours pas président du PSG à ce que je sache. Tu veux nous aider ? Tu nous aides, mais nous on te promet rien.
 
A P-E : - Et aujourd’hui, quelles sont les relations entre SA91 et les actuels dirigeants du PSG ?
BP : - Blayau n’est qu’un épouvantail, il ne sert à rien.
 
A P-E : - Vous ne lui parlez jamais ?
BP : - On a rencontré Blayau pas mal de fois, mais il est complètement bloqué, sur plein de choses. Tout ce qui est tribunes il ne capte rien. On a eu une réunion super tendue, des supporters de différentes tribunes en étaient arrivé à se lancer des menaces de mort et lui il nous parle de notre attitude négative qui va nuire à l’appel de nouveaux sponsors. Je dis pas que c’est pas important, mais là en face de lui il avait des gars qui parlaient de menaces de mort quand même ! Il est à côté de la plaque.
 
A P-E : - Qu’est-ce qui peut déclencher cette violence, de part et d’autre ?
BP : - Le plus important c’est pas le groupe, c’est pas le nom : Supras Auteuil, Tigris Mystic, Boulogne, c’est pas grave. L’important c’est le club, c’est la Ville. J’essaye de raisonner comme ça, et le souci c’est que c’est pas le cas de tout le monde, même au sein des Supras. Beaucoup font passer leur groupe avant l’intérêt collectif. C’est toujours là que commencent les problèmes.
 
A P-E : - Comment bascule-t-on dans cette mentalité ?
BP : - C’est la même chose pour tout le monde : tu arrives dans la tribune, tu connais le nom de tous les joueurs, les transferts, les histoires, tu sais tout. Et puis après, à force d’être dans le groupe, plus ça va, moins tu t’intéresses au foot et plus te ne penses qu’au groupe. A force se déplacer et tout, ça te bouffe ta vie : il y en a qui sont déconnectés.
 
A P-E : - D’après toi, que faudrait-il faire pour mettre fin à ces tensions ?
BP : - La solution ce serait que les keufs tapent des 2 côtés de la même manière. Violences, racismes, il faut tout sanctionner. D’un côté, voir des flics à 3 mètres de gars qui font des saluts fascistes et qui se marrent, ça me choque. Et de l’autre côté, voir dans une station service des mecs des Tigris qui attaquent à la hache des gars de Boulogne, c’est tout autant inadmissible. Il faut dégager les gars qui n’ont plus leur place au PSG. Mais des deux côtés, et sans faire d’amalgame. Mais il faut faire attention, faire ça bien, et ne pas tomber sur le pauvre gars qui a été provoqué ou s’est retrouvé au milieu d’un affrontement alors qu’il y est pour rien.
 
A P-E : - Tu penses que ça pourra se faire ?
BP : - Le problème c’est que je n’ai pas non plus une confiance illimité en la Police en termes de justice, et de rigueur. Je suis bien placé pour le savoir : j’ai eu un an d’interdiction de stade alors que ce que j’avais fait n’était même pas condamnable par la loi...
 
A P-E : - Comment ça ?
BP : - J’ai été pris lors d’un déplacement à Lille : je suis monté sur un grillage avec le méga pour chanter, et je me suis entaillé la main. Je vais à l’infirmerie à la mi-temps, un cordon de CRS me laisse passer et se ferme autour de moi. C’est bon j’avais compris. Là il y a des flics qui disent <i>« c’est lui, on le reconnaît, il a craqué des fumis. D’ailleurs il a la main rouge ! »</i>. Sauf que le rouge, c’était du sang, et que je n’avais rien craqué.
 
A P-E : - C’est ça qui t’a fait plonger ?
BP : - Non. Il s’est trouvé un gradé pour leur dire qu’il me connaissait, qu’il m’avait surveillé et qu’effectivement je n’avais pas craqué de fumigène. Mais il m’ont fait souffler dans le ballon et j’étais à 0,6 grammes par litre de sang. Au dessus du seuil légal donc. Et voilà. Mais ce qui est condamné par la loi Alliot-Marie c’est « l’état d’ivresse manifeste dans un stade ». Sauf que moi à 0,6g je n’étais pas en état d’ivresse manifeste. Je n’allais pas prendre le volant. Il n’y a pas eu d’outrage à agent. Rien. Et ensuite, les policiers qui ont fait des faux témoignages, qui ont certifié m’avoir vu avec un fumigène alors que c’était n’importe quoi, je suis pas sûr qu’ils aient eu des sanctions.
 
A P-E : - Je t’écoute et j’ai l’impression que tu en as un peu marre de toutes ces conneries.
BP : - Oui, bien sûr. Ce serait bien que tout le monde se comporte en adulte. Dans nos assoces, chez les keufs, et dans le club. Entendre chaque nouveau président dire que le Camp des Loges va changer, et voir que depuis 15 ans les joueurs ont toujours les mêmes installations pourries. C’est indigne.
 
A P-E : - Sportivement, tu penses que c’est pour cela que l’on s’est plantés ces 10 dernières années ?
BP : - Le Camp des Loges, et puis la politique de jeunes... On est en Île de France, on a un super réservoir, mais on laisse jamais leur chance aux jeunes. On va chercher des gars ailleurs...
 
A P-E : - Mais tu connais nos supporters : d’après toi est-ce que le public du Parc peut leur laisser leur chance à ces jeunes ?
BP : - Bon, il faut être clair, on a quand même un public de merde.
 
A P-E : - Carrément ?
BP : - Mais oui ! On a vraiment un public de consommateurs. Aucune culture du club. C’est aussi pour ça que plus ça va, et plus je suis dégoûté par ce qui se passe au Parc. Voir des gars qui te disent <i>« moi je suis un client, je paye, faut que ça change »</i>, je n’en peux plus. Contre Marseille, certains gueulaient <i>« remboursez, remboursez »</i>. Mais attends, ils ont rien compris : il n’y a rien à rembourser. De deux choses l’une, soit tu es supporter et tu les encourages jusqu’au bout, soit tu siffles, et là... Là... Mais tu es un minable !
 
A P-E : - Et si l’équipe ne marche pas ?
BP : - Si ça va mal, déjà tu attends quelques matches. Et si les joueurs sont vraiment mauvais, plutôt que de les siffler tu vas au Camp des Loges. Tu rencontres vraiment les joueurs, tu les attrapes, tu leur expliques. Mais pas dans un stade ! Tu ne les siffles pas dans ton stade, devant tout le monde ! Tu peux faire des opérations un peu chaudes, il faut réfléchir à ce qui sert la cause. Mais là cette attitude je n’en peux plus. On n’est pas au supermarché à dire que le produit te plait pas et qu’il faut le rembourser. Je ne vais pas au Parc des Princes pour ça, j’y vais parce que j’aime ma ville et mon club.
 
A P-E : - Et le comportement des tribunes vis à vis des joueurs ?
BP : - Pour certains, un joueur ça se juge sur un match : il réussit deux dribbles c’est une star, il rate une passe et c’est devenu le pire des nuls. Regarde Rodriguez : c’est qui Rodriguez aujourd’hui ? C’est rien. Il a fait quoi ? Faut se calmer avec Rodriguez.
 
A P-E : - Que faudrait-il faire pour que les supporters aient cette culture club ?
BP : - Vaste problème. Nous déjà en virage on n’y arrive pas toujours. Alors en latérales, j’en parle même pas. Les gars qui sifflent ça devient tellement courant qu’à la limite on ne fait plus rien. À la mi-temps au méga on leur dit de pas siffler, et c’est vrai que dans les carrés, maintenant ça siffle moins.
 
A P-E : - Mais vu des latérales, on entend que ça siffle, on voit pas qui.
BP : - Oui... Le truc c’est qu’aujourd’hui les gens marchent tous à l’évènement. Mais un club ça n’est pas ça.  Un club c’est une ville, c’est un passé, des couleurs, un stade, une culture, une mentalité, un palmarès. Il faut aussi en tenir compte.
 
A P-E : - Revenons à ton groupe : quelles qualités faut-il avoir pour s'éclater chez les Supras ?
BP : - C’est un feeling. Pour venir chez nous il faut d’abord aimer le PSG. Et ensuite il faut respecter tous les gars qui sont dans l’assoce.
 
A P-E : - Et comment fait-on pour s’intégrer chez vous ?
BP : - Il faut que ce soit le nouveau qui fasse un peu d’efforts au début. On ne peut pas aller chercher tout le monde. On ne veut pas obligatoirement faire des signatures et monter à 500, 700 ou 1000 adhérents. Alors si le gars est motivé il va venir nous aider. Il sait que pour donner un coup de main sur une préparation de tifo, tout le monde est le bienvenu. Si tu veux venir, tu viens... Et si tu veux vraiment t’intégrer, tu fais un, deux déplacements et tout de suite tu connaîtras du monde. Tu iras au local.
 
A P-E : - Comment ça se passe dans votre local ?
BP : - Il est ouvert tous les jours. Il y a tous les soirs du monde. C’est important dans la vie d’un groupe. On essaye de rester discret sur l’emplacement. Même si je pense que certains savent bien où il est. Mais bon...
 
A P-E : - Mais comment le financez-vous, puisque vous ne touchez par d’argent du club ?
BP : - On le loue, mais ce n’est pas l’argent des adhésions qui paye le local. On veut qu’il s’auto-finance, par ses propres activités. Il y a un bar, on vend des sandwichs en déplacement, mais on essaye de ne pas toucher à l’argent des adhésions. Faut pas se tromper. L’important c’est la tribune.
 
A P-E : - Comment ça ?
BP : - Le but de l’association, c’est pas de financer un local pour discuter entre potes ! C’est de faire vivre une tribune. Le but c’est le Parc. L’activité principale ça doit rester les tifos, l’animation du Virage. Pas le local. Et ça n’est pas évident. Le gros avantage du local c’est que cela permet de se connaître beaucoup plus. Grâce à ça on essaye d’éduquer un peu, il y a presque un côté action sociale. Heureusement d’ailleurs. On a des règles, nos propres règles. Il faut que les nouveaux les comprennent.
 
A P-E : - Mais alors et le cliché du « délire Ultra », cette bonne excuse pour faire n’importe quoi ?
BP : - Oui, entre les gars qui viennent et n’en ont rien à faire de rien, ne font que se sauter dessus sur les pogos du match puis basta, et ceux qui ont une mentalité de clients, j’ai de plus en plus de mal à retrouver ma place au Parc des Princes.
 
A P-E : - Y a-t-il encore de la place pour d’autres groupes Ultra’ ?
BP : - Pourquoi pas ? Le problème c’est pas de lancer de nouvelles assoces. Ca sert à rien tant que le public du Parc n’est pas éduqué. Bon, tout le monde supporte son club à sa manière. Chacun aime son  club, même le client. Mais des gars qui chantent 90 min et qui mettent la pression, à fond, plus ça va moins il y en a. Alors après, une nouvelle assoce Ultra, elle marche ou elle marche pas, mais au bout du compte, si le nombre total de gars motivés baisse....
 
A P-E : - Et pour toi, c’est spécifique au Paris SG ou c’est un phénomène généralisé en France ?
BP : - C’est partout en France. Le foot business : soyez gentils, faites pas trop de bruit et achetez votre sandwich.

A P-E : - Et l’avenir ?

BP : - Là je n’ai plus envie. Et c’est pas un problème de résultats de l’équipe. C’est juste qu’en tribune, je ne m’y retrouve plus toujours.
 
 
Frissons. Un ange passe. L’après-midi est désormais bien avancée. On en restera là. Sur ce constat. Boat a près de 17 ans d’expérience du Parc, il est allé partout, et il va peut-être quitter les tribunes. Un gars qui estime que chanter 90 minutes et se déplacer aux quatre coins de la France en indépendant pour soutenir le Paris SG c’est <i>« être comme tout le monde »</i>. Un gars qui lève la tête quand vous lui demandez ce qu’il espère en retour de ses efforts, vous regarde tranquillement dans les yeux et vous répond <i>« Rien »</i>. Comme si c’était évident pour lui. Peut-être parce que ça l’est. Un gars qui force le respect.


Arno P-E
Journalisée

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