Autour du Paris Saint-Germain, le cas Lilian Thuram divise. Faut-il recruter le défenseur central, ou pas ? Tentative de décryptage du feuilleton lié à l’éventuelle venue à Paris du recordman des sélections en équipe de France.Lundi 16 juin, quelque part en région parisienne, deux salles de rédaction décident d’évoquer le même non-évènement : le possible futur transfert de Lilian Thuram au Paris SG. Le lendemain matin, voici ce que cela donne dans la presse :
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Pas d'évolution à prévoir non plus du côté de Lilian Thuram tant que les Bleus seront présents à l'Euro. (...) Charles Villeneuve reste plus que jamais favorable à l'arrivée de l'international français de 36 ans. Il aurait le soutien de la mairie de Paris.
(le même jour) :
Alors que les pourparlers semblaient en bonne voie il y a encore quelques jours, la venue de Lilian Thuram au Paris-SG est devenue de plus en plus incertaine. Selon des proches du dossier, les dirigeants parisiens, à commencer par Sébastien Bazin, l’actionnaire principal, et Charles Villeneuve, le président, auraient été sensiblement refroidis par la prestation du défenseur central des Bleus vendredi dernier contre les Pays-Bas (1-4).
Cherchez l'erreur...
Alors, Thuram à Paris, possible ou pas ? Comme ces deux quotidiens viennent de l’ont prouvé, personne n’en sait rien. Peut-être serait-il alors plus judicieux de s’interroger sur l’intérêt de sa venue... et de se demander si Thuram à Paris, ce serait souhaitable, ou pas.
Le premier axe lorsque l’on cherche à recruter consiste à établir quels sont ses propres besoins. Au vu de ces dernières années, le Paris Saint-Germain a montré des lacunes sur différents postes, notamment au milieu droit, et sur le deuxième attaquant. Toutefois, le départ de Mario Yepes a laissé une place en défense centrale.
Le PSG a-t-il besoin d’un défenseur central ?L’effectif actuel à ce poste est composé de Zoumana Camara, Grégory Bourillon, Sammy Traoré (de retour de prêt) et Mamadou Sakho, Sylvain Armand ayant lui-aussi déjà évolué en défense centrale, pour dépanner. Mais Grégory Bourillon semble avoir davantage convaincu son entraîneur, Paul Le Guen, en tant que milieu récupérateur. Après avoir débuté la saison 2007/2008 en défense centrale, il a fait les frais d’un automne désastreux. Ecarté du grupe, puis aligné devant la défense, Bourillon a donc fini par ne plus être aligné dans l’axe que très épisodiquement, alors qu’il avait pourtant été recruté dans ce but.
Sammy Traoré avait été prêté à Auxerre dès août, faute d’avoir convaincu le coach. On peut donc imaginer que Le Guen ne comptera pas sur lui non plus pour évoluer en défense centrale la saison qui s’annonce.
Seuls Papus Camara et Mamadou Sakho demeurent comme véritables spécialistes du poste, sachant que le second est encore très jeune. Même si sa pige comme capitaine de l’équipe parisienne a montré que le staff croyait en ses qualités et lui donnait toutes ses chances, on peut imaginer qu’à dix-huit ans à peine Sakho ne sera pas exposé sur tous les matches. Physiquement et mentalement, ce serait trop exiger à un poste aussi délicat que celui de défenseur central.
Il y a donc bien nécessité de recruter derrière, dans l’axe. Voilà qui donne un point pour la venue de Thuram. Maintenant, on peut se demander combien de spécialistes il faudrait faire signer...
En effet, les dirigeants parisiens ont également adressé une proposition au club du Mans pour Marko Basa, lui aussi défenseur axial. On peut donc se demander si deux recrues évoluant au même poste, cela ne risque pas de faire trop. Qui faudrait-il laisser sur le banc si les deux signaient à Paris ? Deux joueurs parmi Thuram, international aux 142 sélections, Camara, qui a donné entière satisfaction aux heures les plus difficiles de la vie du club, Sakho, qui aspire légitimement à faire progresser son temps de jeu, ou Basa, qui ferait banquette après avoir été recruté pour plus de 6 M d’euros...
Il faut également considérer le fait que Lilian Thuram est droitier... comme Camara, l’autre titulaire en puissance ! Si Zoumana a déclaré qu’évoluer à gauche, aux côtés d’un autre droitier ne le dérangeait pas, le début de saison dernière, alors qu’il complétait une paire de droitier avec Grégory Bourillon semble pourtant démontrer le contraire : Camara s’était trouvé bien moins à l’aise à gauche de l’axe qu’à droite. Quant à Thuram, il n’a évolué à gauche qu’à d’extrêmement rares occasions, il ne faut sans doute guère compter sur la probabilité qu’il s’y découvre soudain des facilités à 36 ans.
L’apport tactique de Thuram serait-il certain ? La question ne se serait pas posée pour le Thuram d’il y a un an ou deux... Nul n’aurait contesté son droit à jouer quoi qu’il arrive. Seulement voilà, depuis l’international a vécu ses saisons barcelonaises, durant lesquelles il n’était quasiment jamais titularisé, et surtout l’Euro, où il a cruellement souffert face aux rapides attaquants bataves. Ce match contre les Pays-Bas laisse des traces qu’il sera difficile de gommer, tant la défaite fut médiatisée.
La position de l’ancien capitaine des Bleus s’en trouve fragilisée, et un statut de titulaire indiscutable n’a désormais plus rien d’évident. Il s’agirait alors de se demander si Thuram ne prendrait tout simplement pas une place dans le groupe, pour un apport sportif douteux. Et quelle place !
On ne peut négliger le poids que prendrait le salaire d’un Champion du monde dans la masse salariale du PSG : d’après les médias les discussions tourneraient entre 150 000 euros mensuels proposés par le club, et quelques 250 000 réclamés par le joueur. Même si ces marchandages aboutissaient à un montant final proche du bas de la fourchette, ils placeraient Lilian Thuram parmi les plus grosses payes parisiennes. Resterait-il alors encore assez de ressources au club de la Capitale pour attirer Basa, Sessegnon, Makélélé, Briand et Giuly ? Il ne s’agirait pas d’oublier que la défense centrale n’est pas le seul chantier du Paris SG !
Paris doit aussi se renforcer en dehors du terrain !Paradoxalement, c’est peut-être d’ailleurs une chance pour le Barcelonais : car le Paris Saint-Germain doit se renforcer dans de nombreux secteurs... et pas seulement sur le terrain. La première faiblesse des Rouge et Bleu lors de la dernière saison a souvent été une faiblesse mentale. Une fois menés au score, ou même s’ils ne parvenaient tout simplement pas à marquer, les joueurs parisiens baissaient les bras. Ils voyaient leur jeu se déliter au premier doute venu. Or, s’il y a bien un secteur où Thuram peut apporter, c’est là : dans ce mélange de volonté inébranlable, de culture de la gagne, et d’aura de confiance qui font que la pièce tourne plus souvent dans le bon sens que dans l’autre.
A l’image d’un Juan-Pablo Sorin invaincu en Rouge et Bleu, ou encore d’un Jérémy Clément au printemps 2007, le Champion du Monde pourrait devenir celui sur lequel on se repose pour refuser la défaite. Son expérience unique, acquise en équipe de France, mais aussi à Turin ou Barcelone pourrait insuffler une force nouvelle dans les vestiaires parisiens.
Pour un jeune joueur comme Sakho, s’entraîner quotidiennement aux côtés d’un monstre comme Thuram serait sans doute gage de progressions techniques capitales. Le reste du groupe bénéficierait de plus de l’exemple d’un professionnel dont le sérieux, la qualité l’hygiène de vie et l’implication ont toujours été loués.
Tant au niveau de la culture technique que de l’état d’esprit, Thuram pourrait faire progresser un groupe jusque là trop fragile, et apporter ainsi ce petit plus qui manquait au PSG. Ces petits riens qui faisaient que Paris perdait des matches sur des occasions stupides, ou par manque de volonté pourraient enfin se retourner contre ses adversaires, grâce à un meneur qui rassurerait, mais aussi galvaniserait le groupe.
Dernier point en faveur de la venue de Thuram au PSG, l’effet psychologique. On peut imaginer que la signature d’un tel joueur aurait de multiples répercussions. Au niveau de la vente des maillots déjà, le seul nom du recordman des sélections sur le maillot parisien pourrait décupler les ventes. Quand on sait la manne que représente les rentrées associées au merchandaising, on comprend que cela n’a rien de négligeable au moment de décider de recruter ou pas un professionnel ayant le salaire de l’ancien Turinois.
Autre conséquence de sa venue, l’impact sur les autres cibles de la cellule d’Alain Roche. Attirer un joueur ayant le palmarès du Guadeloupéen prouverait l’ambition du mercato du club de la Capitale. Or, dans ces cas-là on observe souvent une mécanique d’entraînement, un « effet dominos » qui voit de nouvelles signatures suivre celle d’un grand nom : pour un Makélé et un Giuly, l’envie de jouer dans la même équipe qu’un ami peut valoir quelques concessions salariales... et pour un joueur qui hésiterait à rejoindre Paris, constater que cette équipe se donne les moyen de jouer le haut du tableau peut rassurer, mettre fin aux tergiversations.
Même si sportivement, l’âge et les dernières prestations de Thuram font que l’on peut s’interroger de l’opportunité de le recruter à un poste où un autre joueur est également attendu, on voit donc que les avantages liés à sa venue ne manquent pas.
Le jeu en vaut-il la chandelle ? Sans doute pas à n’importe quel prix... Mais comment évaluer combien vaut le plaisir et la fierté de voir un joueur ayant marqué l’histoire du football français porter la tunique rouge et bleue ? Comment estimer financièrement l’apport d’un tel homme dans un vestiaire ? Lilian Thuram peut devenir une icône du Paris Saint-Germain. Un Maldini, ce joueur dont on se vantera encore dans vingt ans d’avoir pu assister à un de ses matches. Ou bien il peut s’avérer n’être qu’une nouvelle déception... comme tant d’autres avant lui. Les voilà, les issues possibles.
Alors après tout, une fois cela posé... qu’est-ce que le Paris Saint-Germain risque de bien grave à tenter de le faire venir ?