.Deuxième partie du chapitre consacré au
et aux relations amoureuses
, et nouveau problème d'importance :
pourquoi il ne faut jamais, au grand jamais amener votre petite copine allergique au football au Parc des Princes . Ne dites pas qu'on ne vous aura pas prévenus
!
Voici donc un nouvel extrait du livre le "
Guide du Supporter Parisien". Je vous rappelle que je suis encore et toujours à la recherche d'un éditeur ! Bonne lecture, et n'hésitez pas à nous faire partager vos réactions !
Faut-il amener sa copine au Parc ?
Amener une petite amie étrangère au monde du football au stade est tout sauf une bonne inspiration. Un soir de match, il est tellement délicat de se construire une bonne ambiance, un environnement propice à un suivi optimal d’une rencontre que le moindre grain de sable peut tout enrayer. Or là, vous ne proposez rien moins que d’introduire un véritable rocher au beau milieu des délicats rouages de votre admirable organisation. Bref, si vous venez au Parc avec votre fiancée, attendez-vous à ce que tout aille de travers, du début jusqu’à la fin.
Pour commencer, il faut bien comprendre qu’il n’y a aucune chance qu’elle vous laisse acheter votre hot-dog merguez porte-bonheur. Elle vous préparera de minuscules sandwiches, amoureusement certes, mais ce n’est pas ça qui nourrit un supporter digne de ce nom...
Et il ne faudra surtout pas lui demander où sont ses propres sandwiches après avoir ouvert le paquet : les quatre morceaux de pain de mie coupés en diagonale qu’elle vous a fournis représentent votre entière pitance à tous les deux ! Vous mourrez donc de faim, pensant en silence pendant toute la rencontre aux saucisses, à la fois calcinées et froides, entourées d’oignons puants et de mayonnaise périmée que vous vous payez habituellement... Saucisses qui ne vous avaient jamais parues aussi délectables avant que vous n’ingurgitiez ce pain-concombre, "sans sel parce que sinon ça fait grossir". Inutile de vous dire que vous pouvez également vous asseoir sur votre petite bière d’avant-match, puisque vous êtes arrivés limite en retard. C’est que les horaires du téléfilm "Sous le Soleil", feuilleton suivi par la quasi totalité de la gente féminine, et diffusé le samedi en fin d’après-midi, sont incompatibles avec un départ permettant d’éviter les ralentissements et autres files d’attente...
Après cela, votre destinée est d’ores et déjà gravée dans l’airain. Vous n’y pouvez rien, c’est écrit : il vous faudra patienter dans les coursives, devant une porte fermée, une bouteille d’eau minérale débouchée à la main. Le tout alors que les joueurs s’échauffent sur le terrain, et que le speaker donne la composition des équipes sans que vous ne puissiez l’entendre... Typiquement le genre de situations dans lesquelles on se demande ce qu’au juste on a bien pu faire pour en arriver là.
La fatalité mettra en branle votre tragédie personnelle dès la fouille... Voilà le scénario, dans son immuable cruauté :
Séparé de votre amie partie dans la file des femmes, toujours plus rapide que celles des hommes, vous tomberez sur le steward modèle consciencieux, le seul qui regarde dans le sac. Et oui, le fameux sac à pique-nique que vous vous serez traîné comme un idiot depuis votre départ ! Seulement comme vous n’aurez rien préparé, espèce de feignant, vous ne vous serez pas rendu compte qu’il contenait une bouteille d’eau minérale, toute neuve, et fermement bouchée. Le steward s’arrêtera donc interloqué, et vous regardera comme si vous aviez annoncé à un douanier américain vouloir transporter une bonbonne de gaz et trois cutters dans un Boeing en partance pour New-York. S’ensuivra l’inévitable discours que vous avez déjà entendu à chaque match alors qu’il était adressé à un touriste à côté de vous. Discours concernant les dangers des projectiles, la loi républicaine, la masse de la bouteille remplie d’eau, le respect des consignes de sécurité, les différentes trajectoires paraboliques, Ec=1/2 m.v2, « maintenant je vous confisque le bouchon et estimez-vous heureux de ne pas avoir droit à une fouille anale, allez hop, au suivant ! ». Quand votre amie vous demandera ensuite pourquoi vous aurez fait exprès d’être aussi long, alors que vous saviez très bien qu’elle avait envie de faire pipi, vous ne répondrez même pas... Conscient d’être déjà en retard, et que s’agiter une bouteille ouverte à la main risque de nuire à votre opération séduction intitulée "Supporter le Paris Saint-Germain est une occupation saine et éducative, laisse-moi y aller match après match", vous préfèrerez garder le silence. Vous vous mettrez plutôt en quête des toilettes, car sinon vous risqueriez de rater l’intégralité de la première mi-temps.
Ce grand classique aboutira donc, comme prévu, à votre attente, debout devant la porte des WC pour dames, passant auprès de toutes celles qui se rendent au petit coin pour un pervers-voyeur... Le tout avec une bouteille sans bouchon à la main, et pour mission de ne pas en reverser une goutte, parce que sinon on va avoir soif.
Vous voilà déjà à bout, et pourtant votre supplice ne fait que commencer : c’est avec le match que débarquent les véritables tracas du match en couple. Accompagné de votre amie pour la première fois, vous réexaminez d’un oeil neuf tout ce qui vous paraissait naturel quand vous veniez seul au stade. Tout cela en gardant à l’esprit qu’aujourd’hui vous êtes là pour convaincre votre moitié que le Parc des Princes est un haut lieu intellectuel, et le football une chose sérieuse, un sport d’artistes s’adressant à des connaisseurs éclairés. Évidemment si vous débarquez à Boulogne en plein pogo, c’est raté. Mais même si vous avez eu la sagesse de préférer une tribune plus tranquille, rien n’est acquis. Dites-vous bien que le principal risque d’échec pour votre mission, c’est vous. Vous et votre comportement habituel. Toutes ces petites choses que vous faisiez sans trop y prêter attention risquent de tout faire capoter. Car vous resterez sous l’œil de la Sainte Inquisition pendant toute la durée de la rencontre.
Rien ne passera au travers de son crible : hors de question que vous leviez le majeur en hurlant des obscénités à l’encontre du stoppeur adverse, trop rugueux à votre goût, ou que vous critiquiez le régime alimentaire d’un arbitre ventripotent. Vous voyez donc comme la tâche s’annonce ardue, presque irréalisable. Votre conjointe risquerait de n’apprécier que modérément ce type de comportement pourtant minimal au Parc des Princes. Elle pourrait ensuite douter de la finesse des supporters parisiens en général, et de la vôtre en particulier.
Vous voilà donc condamné à vous mordre les lèvres à chaque décision arbitrale litigieuse, tout en essayant d’expliquer pourquoi les attaquants n’attrapent pas la balle avec la main.
Vous étiez prévenu : votre self-control doit s’inspirer du légendaire flegme britannique, alors que vous savez pertinemment que les Anglais ne parviennent à se contenir à la ville que s’ils se lâchent dans les stades tous les week-end. Good luck... Surtout quand arrivera le premier but. Si c’est le Paris Saint-Germain qui l’a inscrit, votre petite amie risque de se retrouver avec un gars qu’elle n’avait jamais vu auparavant en train de lui serrer frénétiquement la main, un hystérique lui hurlant derrière les oreilles plus une poignée de crétins qui lui donnent des coups d’écharpes sur le visage en les faisant tournoyer. Et vous pendant ce temps-là, au lieu de la protéger que faisiez-vous au juste à sauter comme un cabri, inexplicablement tombé trois rangées de sièges plus bas ? Difficile de légitimer tout cela de manière rationnelle... Et encore plus difficile d’expliquer votre envie de meurtre si c’est l’adversaire du soir qui marque. Parce que voilà ce qui vous traversera l’esprit en cas d’ouverture du score par les visiteurs, n’en doutez pas ! Vous aviez faim depuis plus d’une heure, vous aviez froid, vous n’avez pas prononcé le moindre propos injurieux, vos ongles se sont d’ailleurs incrustés dans vos paumes sanguinolentes à chaque coup de sifflet de l’arbitre, et le PSG encaisse un vieux but de raccroc quand votre ex-fiancée, regardant son miroir de poche et se repoudrant le nez vous dit dans un soupir : « ça n’est pas bien grave, ça n’est que du foot après tout... ». L’amour de votre vie, cette fleur en sucre est ainsi brusquement devenue votre ex-fiancée.
Parce que tout à coup il n’est plus vraiment question d’avenir à deux, de projets ni de quoi que ce soit avec cette espèce de gourde. Elle a même carrément intérêt à prier que les Rouge et Bleu égalisent vite fait si elle ne veut pas rentrer toute seule à pied. En bref vous n’êtes plus tout à fait lucide et vous risquez de proférer quelques mots regrettables. Dans le feu de l’action on ne se contrôle pas toujours, mais une fois que la serrure de son appartement sera changée, qu’elle aura acheté un nouveau portable, et se sera trouvé un copain qui ne tente pas de l’étrangler en public, vous aurez bien du mal à reconquérir son cœur...
En bref, vous aviez une copine, et alors que le plan était de la convaincre qu’il était possible de fonder une famille tout en préservant votre statut de supporter du Paris Saint-Germain, vous venez de vous faire larguer devant quarante mille personnes. On a du mal à faire moins intelligent, et à passer soirée plus pourrie. Tout ça parce que vous avez commis l’erreur de l’emmener avec vous au Parc des Princes... D’ailleurs si ça se trouve c’était elle le chat noir qui a fait perdre le club ? Mais alors peut-on se débrouiller pour faire changer d’avis sa petite amie à propos du football, si l’explication par l’exemple est impossible ? Voilà une question destinée à rester sans réponse... Une autre éventualité consiste plus simplement à plaquer toutes les allergiques au ballon rond et à tenter dans la foulée de se mettre avec une supportrice du PSG. Pourquoi pas une fille rencontrée au Parc des Princes ?
Mis en ligne par Arno P-E[/color]