La semaine précédent cet OM-PSG n’a pas fait exception à la règle : le match aura une nouvelle fois commencé bien avant le coup de sifflet de l’arbitre, depuis les salles de presses. Et si Paris et Marseille ne sont plus les clubs dominateurs d’antan, le duel d’interviews vécu jusqu’aujourd’hui atteignit, lui, des sommets dignes des plus grands.Le football est un spectacle, avec ses bons, et ses mauvais côtés. Le sportif, avec ses buts, ses arrêts décisifs, ses passes lumineuses ou ses incroyables retournements de situation... Tout ce qui fait que les supporters aiment le ballon rond et les émotions qu’il procure. Et l’extra-sportif, avec ses marchandages écœurants pour les droits télés, ses périodes de transferts qui évoquent désormais le marché aux bestiaux, et enfin l’extra-sportif dans ce qu’il a de pire : ses déclarations tapageuses dans la presse.
Mais parfois, la lumière jaillit au milieu des eaux les plus sombres. Cette semaine de clàsico par exemple aura engendré un de ces instants inespérés. Un banal échange d’amabilités par voie de presse qui débouchera sans que l’on ait pu l’anticiper sur un affrontement de toute beauté. Un duel au sommet. Un choc de titans.
OM - PSG, où quand deux communicants roués à toutes les astuces des médias se font face. OM – PSG, qui voit le leadership du meilleur de sa catégorie âprement disputé. OM-PSG, théâtre d’une lutte sans merci. La question de la suprématie s’est jouée sous nos yeux. Qui, mais qui l’a emporté ? Qui a abattu son adversaire ? Vous avez assisté à leurs échanges, et pour vous nous allons décortiquer cette passe d’armes et répondre à LA question :
Qui de pape Diouf ou de José Anigo a réussi à remporter le titre du Marseillais le plus stupide ?
La lutte pour ce titre si prisé dans les Bouches du Rhône a débuté jeudi dernier. Souvenez-vous : Pape Diouf participe à une conférence de presse le lendemain de la victoire des Phocéens contre une équipe de vacanciers moscovites et d’entrée c’est l’envolée lyrique. Sur sa première intervention il ouvre les hostilités avec un grand classique : le «
je raconte n’importe quoi en deux phrases ». Une manœuvre bien connue des spécialistes, mais pas facile à maîtriser d’entrée de jeu. Or, là, l’exécution est parfaite .
Je crois que je vais vous décevoir mais je vais aller dans le sens d’Alain Cayzac qui a dépassionné le débat. C’est pour nous aussi l’avis le plus sage, même s’il serait bien dommage de déposséder cette affiche de son poids d’intensité et de passion.La grandiose affirmation «
je dépassionne le débat et d’ailleurs sur cette rencontre il serait dommage d’enlever la passion » doit être considérée pour ce qu’elle est : une action à montrer dans toutes les écoles du parfait crétinisme. Propos vides de sens, certes, mais avec langage ampoulé, ce qui ne gâche rien, et tout ça pour aboutir à la fin à une auto-contradiction, c’est magistral.
Pas de round d’observation, Diouf place la barre très haut, d’entrée de jeu. Sans doute espérait-il prendre un ascendant psychologique sur son adversaire.
Mais José Anigo n’est pas homme à se laisser impressionner, et en grand champion il répond du tac au tac :
Je ne veux plus mettre d’animosité dans les avant-matchs contre le PSG. Avant, je le faisais pour pimenter les clasicos. Mais ça avait pris des proportions extrasportives excessives. Ça n’empêchera pas que, sur le terrain et dans le stade, il y ait de l’animosité.Aucun doute, le match est lancé. Anigo accepte l’affrontement et se place sur le même terrain que son maître : après la rencontre dépassionnée qui garde sa passion, on a droit à un superbe «
je ne veux plus mettre d’animosité, mais il n’empêche qu’il y aura de l’animosité ». De la belle ouvrage, surtout quand on considère que le pivot de la réplique anigotte, "animosité", compte pas moins de cinq syllabes ! L’utilisation d’un tel vocable, qui pour le dirigeant marseillais tient de l’exploit, est une remarquable prise de risque. Quelle rencontre !
Pape Diouf, acculé devant ses buts en est réduit à une stratégie de contre attaque : il choisit donc la petite pique à l’encontre du PSG, évoquant la future rencontre.
C’est probablement le match le plus facile pour Paris car on ne dira rien aux Parisiens s’ils perdent. Le problème est là mais on ne peut pas considérer que ça va être une promenade de santé. A nous d’être attentifs et de ne pas tomber dans ce piège grossier.Et là c’est la déception. Le jeu du Président est convenu, les passes téléphonées... Diouf joue trop facile. Attaquer le PSG en le donnant inférieur à l’OM, ce n’est que répéter ce qui a déjà été avancé dans toutes les émissions de sport depuis des semaines. Si les supporters sont bien entendu toujours friands de ce genre de propos démagogiques, il faut noter qu’on n’apporte rien de nouveau ici aux Phocéens. Alors oui, avancer que les supporters parisiens ne diraient rien en cas de défaite de leur équipe est ridicule, bien entendu, on ne peut pas retirer ça à Diouf, mais comment croire que cela suffise à apporter un titre de «
Marseillais le plus stupide », et surtout face à un client comme Anigo ?
L’ex-minot joue pour sa part bien plus haut. Il prend des risques et varie les attaques. Son métier, qui ne consiste au fond qu’à prendre la parole une fois tous les six mois pour brosser les supporters marseillais dans le sens du poil en crachant sur le Paris SG lui a appris à multiplier les angles de tir. Alors si Diouf baisse de régime, José, lui, donne tout ce qu’il a.
Il est donc de bon ton de se faire voir au Parc des Princes. Rien de tel au Stade-Vélodrome. Les gens ne viennent pas pour se faire voir mais pour voir l’OM gagner. Ici, on n’arrive pas en costard-cravate.C’est d’un tout autre niveau. Voilà de l’attaque parfaitement irrationnelle, qui n’a rien à voir avec rien : à Marseille au moins, les gens ne viennent pas en costume, c’est pas comme à Paris ! Là au moins il y a de l’originalité dans l’absurde et le propos débile, là au moins on innove.
Parce que pour justifier en deux avant-matchs son salaire d’une année complète, Anigo ne peut se contenter de répéter les âneries entendues tout au long de la semaine à la télé. Oui à Paris, les stewards, en plus de fourrer un doigt dans l’anus des supporters à la recherche de quelque fumi, refoulent tous ceux qui seraient en tennis, ou en survêtement, c’est bien connu. Pire qu’à l’entrée des Bains. Salauds de pauvres...
Après être revenu au score, la terreur des couloirs de vestiaires, Battling Jo prend donc l’avantage... et n’en reste pas là dans sa quête du titre de Marseillais le plus stupide. Dominateur, il tient à tuer le match en aggravant le score. Après l’absurde, pour démontrer que Marseille est bien plus attrayant que Paris, il donne dans le crétin :
On est plus attractif car, depuis quelque temps, le PSG a peu de résultats.Quelle splendide sortie ! Quel jaillissement ! Il faut peser ses mots en de telles circonstances, prendre le temps de la réflexion pour rendre compte d’un instant qui mériterait de rester dans l’Histoire de la débilité profonde. Soyons justes : venant d’un dirigeant de club n’ayant rien gagné depuis quinze longues saisons, cette phrase tient du génie.
On est plus attractif car, depuis quelque temps, le PSG a peu de résultats. Le «
peu », tient à pas grand-chose. Par exemple le soir du 29 avril 2006. Soirée qui a contribué à rendre l’OM très attractif chez les vendeurs d’antidépresseurs. En revanche, les boutiques des vendeurs de Champagne restent en déshérence, mais bon, on ne peut pas être attractif partout.
Quoiqu’il en soit, dans la bataille qui oppose nos deux champions, Diouf est désormais à terre. Et Anigo ne le laisse pas reprendre son souffle. Toujours pour illustrer la supériorité marseillaise quand on lui parle du titre de champion de France, de la Coupe d’Europe, des trois coupes de France et des deux coupes de la Ligue que le PSG a remporté alors que Marseille gagnait... euh... bah rien en fait, Anigo n’a aucune peine à répondre. Et c’est bien là la marque des grands crétins : avoir réponse à tout, même quand ils feraient mieux de la fermer. Aussi Anigo se lance-t-il dans des considérations immobilières dignes de Valérie Damidot, ou encore des raisonnements économiques que Jérôme Kerviel lui-même devrait approuver :
Regardez la Commanderie. C’est un vrai camp d’entraînement. À Paris, le Camp des Loges n’est pas digne d’un grand club. Nous avons aussi un actif joueurs nettement plus important que le PSG. On a fabriqué un Drogba qu’on a vendu 37 millions à Chelsea. On a sorti Ribéry. Citez-moi des joueurs du PSG qui sont partis ces cinq dernières années avec de gros transferts. Il n’y en a pas.
Anigo pense donc que pour être un grand club, mieux vaut un joli centre avec salle de muscu et thalasso, plutôt que de remporter une Coupe de France... Respect !
Et ensuite, en plus d’oublier Ronaldinho, ballon d’or révélé en Europe par le PSG, il passe sous silence le fait que si Paris n’a pas fait de gros transfert ces dernières saisons, c’est surtout parce que plutôt que d’accepter l’argent lyonnais, le Paris Saint-Germain a réussi à garder ses attaquants, comme Pauleta ou Rothen, ce dont l’OM s’est quant à lui révélé incapable.
A Marseille, on a des bons joueurs, la preuve, on les a vendus. Si ça ce n’est pas revendiquer sa propre stupidité...
Le match semble alors plié, Anigo possédant à ce stade trop d’avance. Pour la beauté du geste, l’ex-entraîneur marseillais (aujourd’hui consultant délégué manager adjoint à la gestion sportive du groupe pro -en chef- section placard couloir nord) se permet donc des figures de style. Pour étoffer son palmarès, en plus de la pure bêtise, il ajoute à son arc le culte de la victoire. Son meilleur souvenir des matchs opposant Paris et Marseille ?
Quand nous sommes venus faire 0-0 avec l’équipe des minots, il y a deux ans. On était dans une situation hypercompliquée et, en perdant lourdement à Paris, on aurait pris des coups médiatiquement. À la sortie, on a mis le PSG en difficulté. Les Parisiens se sont fait siffler. Guy Lacombe avait été chahuté. Cela faisait plaisir de leur mettre une petite pichenette.On sent le battant, le gagneur né, celui pour qui seule la victoire compte... mais qui préfère un match nul, parce qu’il a entendu le club qui entretient ses complexes d'infériorité siffler son propre entraîneur. Celui dont le plaisir vient d’un résultat médiocre, dans un match médiocre, tout ça parce que à la fin l’entraîneur de ce club adverse qu’il hait tant avait été chahuté. On a les joies que l’on mérite.
La victoire finale tend alors les bras à son enfant chéri. Anigo se voit déjà sur la plus haute marche, celle du leader incontesté de la stupidité sudiste... Mais nous connaissons tous la fin de l’histoire. Devant une telle prestation, sa sainteté le Pape Jean-Paul Diouf, pourtant ridiculisé, sort sa botte secrète. Le président, touché par une inspiration géniale, comme seuls les plus grands peuvent en espérer, remportera le titre au finish :
C’est la différence fondamentale qu’il y a entre le public de Paris et celui de Marseille. Ici, il y a de la turbulence et parfois des débordements. Il peut aussi y avoir quelques excès mais pas de haine, ni d’entêtement borné. Ce n’est pas le cas à Paris où on a vu un public méchant, parfois haineux. Évidemment, on ne peut pas englober tous les spectateurs dans ces remarques mais il y a à Paris une bande de gens organisés qui se réclament « supporters » mais qui ne sont que des brigands de stade. Cela n’existe pas à Marseille.L’état de grâce.
Devant le Beau, il faudrait pouvoir se taire : commenter une tirade pareille, quelque part c’est déjà lui manquer de respect. Il y a de la perfection dans cette sortie dioufienne. Cette attaque, qui dépassionne le débat, rappelons-le, écrase tout. Le «
quand nous à Marseille on casse le pare-brise de la voiture de Pirès, c’est pas pareil que quand des Parisiens crèvent les pneus de Rothen, parce que eux ils sont méchants et haineux, alors que nous en vrai non », personne ne l’avait vu venir.
Oui, certains évoqueront la mauvaise foi, ou la bêtise de l’argumentation... Ils auront raiuson, et ô combien ! Mais il faut surtout mettre en avant l’extraordinaire bonne conscience de celui qui ose se poser en parangon de vertu en généralisant à partir des clichés les plus basiques, tout en affirmant le contraire.
Une merveille.
Le sage lippu, une nouvelle fois trop fort pour son opposant, pouvait dès lors savourer sa victoire.
Le match fut beau, l’intensité de la lutte et l’ardeur des adversaires donnant toute sa valeur au titre conquis par l’immense Pape Diouf. Au delà des inimitiés qui opposent parfois Parisiens et Marseillais, il faut lui rendre ce qui lui appartient :
quand il s’agît de prouver sa stupidité en attaquant le PSG ou ses supporters, oui, le Président de l’OM est bien le plus fort. Respect à lui.
C’est donc avec une émotion tentée de déférence que ces quelques mots lui sont dédicacés, pour sa prestation anti-parisienne :
Les méchants envient et haïssent ; c'est leur manière d'admirer. (Victor Hugo)
Et maintenant je vous laisse : j’organise une soirée entre supporters de la Capitale pour le match de ce soir, et le bébé rôti qu’on doit manger devant la télé ne va pas se préparer tout seul.