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« le: 21 Février 2006 à 16:07:29 » |
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. Au Paris Saint-Germain, on ne peut rien faire comme tout le monde. Ici, les absents n’ont jamais tort. C'est la règle. Et être loin des yeux, c’est être près du cœur. Tout près. Car la meilleur solution pour les joueurs qui souhaitent recevoir les acclamations du Parc, c’est encore de ne pas jouer.
Les supporters parisiens ont une merveilleuse caractéristique. Si on les prend dans leur ensemble, c’est-à-dire quand on écoute le rendu global livré par le Parc des Princes un soir de match, on a l’impression qu’ils ne retiennent jamais aucune leçon, et s’acharnent à ne surtout pas progresser. Prenons l’exemple Marko Pantelic. Voilà un jeune attaquant issu de Serbie-Monténégro, frappant à la porte de l’équipe première du Paris SG lors de la saison 1996-97. Le garçon vient d’avoir dix-huit ans et semble prometteur. La presse en fait ses choux gras, et l’entraîneur de l’époque le convoque sur le banc plusieurs fois de suite.
L'affaire Marko Pantelic
Seulement voilà, le public du Parc ne manquant pas d’insatisfaits chroniques, cette situation tourne vite à l’aigre. Au début, il suffisait que Pantelic fasse mine d’aller s’échauffer pour que certains se mettent à scander son nom. L’habitude s'est instaurée, les chants étaient repris par un nombre toujours croissant de supporters, et on a basculé de l’autre côté de la barrière. Finis les encouragements, les supporters sont passés aux réclamations : le Parc s’est mis à exiger la présence du Serbo-Monténégrin, match après match. C’était le leitmotiv. Évidemment le gamin a pété les plombs, évidemment il en est venu à jeter son maillot par terre, dans un sketch surréaliste, et il a fini par insulter son tocard d’entraîneur en quittant le terrain... puis le Paris SG. Tocard d’entraîneur, conspué par ceux qui réclamaient leur Marko. Tocard d’entraîneur qui est aujourd’hui deuxième de la L1 avec une équipe montée de bric et de broc, et qui nous a mis dix points au classement en un mois. Enfin, passons, ou plutôt revenons au cas Pantelic...
Le pauvre garçon a ensuite signé à Vigo, où il n’a bien entendu pas joué un match. En fait, de championnats prestigieux (Autriche, Suisse, Serbie-Monténégro) en blessures graves, le garçon jouera à peine plus de cinq matches par an pendant les sept saisons suivantes. Après un retour à Belgrade, il a tout de même réussi à remporter le titre de meilleur buteur de son championnat, avant d’être transféré au mythique Herta Berlin, où il culmine actuellement à... quatre réalisations. Tout ça pour ça.
Seulement voilà, à dix-sept ans, ce garçon flambait avec la CFA du PSG. Pensez-vous, treize buts en amateur, ces statistiques Ronaldinhesques ont suffi à lui valoir les commentaires élogieux du Parisien. Et comme nombre de supporters du Parc ne vont pas plus loin, ils se sont dit que si les journalistes qui taillent leur équipe jour après jour tressent des couronnes de laurier à ce Marko, c’est qu’il doit être exceptionnellement bon. Il n’en fallait pas plus. Le seul petit détail que ces braves supporters sûrs d’eux au point d’en insulter Ricardo, convaincus du talent de Pantelic au point de ne plus rien faire d’autre que le réclamer avaient oublié, c’est que Pantelic... quasiment personne ne l’avait jamais vu jouer.
On s’est tapé une bonne petite crise, avec conflit joueur-entraîneur, fragilisation de l’autorité de Ricardo, campagne de presse et tutti quanti, pour un joueur que seule une poignée de supporters avaient déjà suivi lors d’un match de CFA. Le fait que Ricardo, pour sa part, suive Pantelic tous les jours au camp des loges n’effleurait même pas l’inconscient de tous ces quémandeurs. Le fait que Ricardo connaisse du gamin un peu plus que les trois pauvres statistiques relayées par une presse toujours prompte à élever des espoirs au rang de future star avant de les briser, personne ne s’en souciait. Non. Trois minutes de jeu, et les Rouge et Bleu y avaient droit : Pantelic, Pantelic, Pantelic...
Ah, c’était le bon temps. Près de dix ans, déjà. Mais ce qu’il y a de bien au Paris SG, c’est qu’il préserve votre éternelle jeunesse. Changez deux ou trois noms, et ça suffit. On a l'impression que le reste du monde n’a pas évolué d’un iota. Alors au fil des ans on en a vu défiler des Pantelic, réclamés par le public du Parc, tellement connaisseur. Les Ogbeche à la carrière si brillante, les Benachour, sur lequel tous les plus grands clubs se sont rué alors qu'il était laissé libre (sans doute était-il trop fort pour eux), etc., tous ont été réclamés par le peuple des tribunes. Avec la réussite que l’on sait.
"Pantelic, Pantelic, Pantelic..." Et qui encourage Paris pendant ce temps ?
Mais pendant ce temps-là, qui pense aux joueurs qui mouillent le maillot ? Pendant que certains somment le coach de faire rentrer Pantelic, qui encourage le club ? Pas les petits capricieux qui préfèrent réclamer leur chouchou plutôt que chanter pour leurs couleurs. Il faudra bien comprendre un jour que demander la rentrée d’un Rodriguez pendant que Rothen joue, c’est traiter l’international français d’incapable. Alors les insatisfaits ont des tas d’excuses, toujours. Quand un joueur n’a pas un comportement suffisamment bon sur le terrain, il ne mérite pas d’encouragements. C’est tellement facile. La faute de l’autre, n’est-ce pas. Seulement si les joueurs étaient aussi mous et nuls que ceux qui les critiquent, ils retourneraient le compliment : quand un supporter a un comportement aussi pitoyable en tribune, il ne mérite pas qu’on mouille le maillot pour lui. On serait bien avancé avec une telle mentalité. Autre justification facile ? On n’encourage pas les joueurs mais le club. Ben voyons. sauf qu'il faudra alors expliquer en quoi siffler un Parisien à sa sortie c’est faire du bien à nos couleurs. On pourra aussi expliquer en quoi exiger la rentrée du seul joueur qui ne joue pas incite les autres à se bouger, en passant. Et expliquer en quoi ce sont des encouragements envers le Paris SG que d'insulter les joueurs en les traitant d'enculés, pour finir.
Qui peut affirmer connaître vraiment Rodriguez ?
Mais non. Rodriguez a fait quatre jolis dribbles, il a marqué un but contre un club de division sept ou huit, et il a fait une passe décisive, alors pensez-vous, c’est vraiment notre seule chance. Surtout, oublions tous ceux qui sont sur le pré. Surtout ne les encourageons plus. Arrêtons aussi de chanter pour le PSG, en passant. Mieux vaut trépigner, et taper du pied par terre en râlant pour quémander un bonbon et un Rodriguez. Mais qui le connaît vraiment? Qui l'a vu plus d'une demi-douzaine de fois ? À part Lacombe, bien entendu...
Le potentiel de Cristian n’est pas à remettre en cause. Le gamin semble doué, bien sûr. Il apporte sa grinta, joue vers l’avant, et tente des choses. Très bien. Seulement voilà, au jour J, seul son entraîneur connaît son état de forme exact. C'est tout. Chacun à son boulot. Et le travail d'un supporter, quand Cebolla n’est pas sur le terrain, c'est surtout se battre pour celui qui joue à sa place. Même si on trouve le gars moins bon, ou moins en forme. On supporte le Paris SG ou le FC Cristian Rodriguez ? Beaucoup ont choisi leur camp.
Samedi, Paris jouait, mais une partie de ses supporters a oublié de l’encourager. Un paquet de gars si modestes qu'il étaient persuadé de tout savoir. Mieux que Lacombe qui voit ses joueurs quotidiennement. Persuadés d’avoir raison. Plus qu’un entraîneur diplômé. Certains que Rodriguez ferait mieux. Mieux que n’importe qui, tous les autres étant indignes de recevoir le moindre encouragement. Mais le pire dans l’affaire, au-delà de ce péché d’orgueil, coutumier au Parc, là où la honte est totale pour eux, c’est qu’après avoir passé cinq minutes sur le terrain, Cristian n’a plus eu droit à un seul chant. Alors qu’il en avait enfin besoin, alors qu’il se battait pour les couleurs du Paris SG, là il a été laissé tout seul.
On est ce que l’on fait à ses joueurs. Les supporters exclusifs des joueurs du banc aussi. Ceux-là sont des lâches, qui abandonnent sans vergogne leur équipe, et leurs joueurs. Ils l'ont prouvé samedi, une nouvelle fois. Pas de quoi se rengorger, et exiger monts et merveille, sautant comme un cabri et exigeant des titres, des titres, sans rien faire après pour mériter cela.
Un dernier proverbe, pour conclure ? L’herbe est toujours plus verte sur le terrain d’à côté. Là on est en plein dedans. Mais il serait temps de grandir... même dans les tribunes du Parc. Il faut assumer ses choix. Quand on supporte Paris, on supporte le club. Donc l’équipe. Donc ceux qui jouent. C’est eux qui portent le maillot. C’est eux qui ont besoin de nous. Même si parfois ils nous font honte. Il faut tenir jusqu’au bout. C’est ça être supporter. Quant à ceux qui ont l’indécence de réclamer un autre attaquant, toujours un autre, ils pourraient au moins aller au fond de la démarche, et le soutenir jusqu’à la fin de la rencontre.
Paris compte décidément aussi de biens petits supporters. À l’image des joueurs dont ils se plaignent, finalement. On a ce que l’on mérite.
Arno P-E
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