Un organe de presse peut-il décemment publier un bruit de couloir sans intérêt, véhiculé par des personnes intéressées, sans prendre aucun recul sur cette « information » ? Le quotidien le Parisien répond oui, sans hésiter.Rien ne va plus au PSG. Et pas seulement parce que le club végète autour de la quinzième place : les journalistes d'investigation du
Parisien ont enquêté. Dimanche 28 octobre 2007, Dominique Séverac a livré son diagnostic : une rumeur, selon laquelle le départ d'Alain Cayzac serait imminent, «
sème le trouble ».
La folle rumeur court au sein de la galaxie PSG : les jours d'Alain Cayzac, dit-on, sont comptés. Son remplacement interviendrait après le match de Lyon. Ou en décembre. Voire en janvier.
Après nous avoir habitués aux
sources proches du club, à
l'entourage ou encore aux
avis autorisés, voilà un nouveau venu qui souligne le flou dans lequel se trouve le reporter du
Parisien, incapable de préciser un tant soit peu où gambade cette chère rumeur : la «
galaxie PSG ».
« Les jours d'Alain Cayzac, dit-on, sont comptés. » Au moins, vous ne pourrez pas dire qu'on vous prend pour des abrutis. Compte tenu des allégations fréquemment reproduites sans la moindre pincette dans les colonnes du quotidien francilien, l'emploi du conditionnel couplé à l'usage d'un «
dit-on » du plus bel effet sont là pour souligner l'absence totale de fiabilité de l'information.
« [...] après le match de Lyon. Ou en décembre. Voire en janvier. » D'après une source proche du dossier, faute de place, l'article de Dominique Sévérac a été retouché par les secrétaires de rédaction du
Parisien. La formulation initiale serait la suivante :
« Son remplacement interviendrait après le match de Lyon. Ou en décembre. Voire en janvier. Peut-être bien en février. Ou sinon en mars. Et pourquoi pas en avril. Au moins en mai. Bon si c'est pas en juin... Dans le pire des cas en juillet. Allez, en août pour sûr. »En fait, Dominique Sévérac semble n'en rien savoir, mais pourquoi s'arrêter pour si peu ? Un scoop comme ça, ce serait dommage de ne pas le publier immédiatement.
Le nom d'un probable successeur circule même avec insistance. « Dans l'organisation actuelle du club, il est en tout cas le fusible », décode un proche du club. Car Paul Le Guen, adoubé par les actionnaires, est loin d'être menacé malgré les mauvais résultats. Le prochain départ ne peut être que celui de Cayzac...
C'est pourtant d'une logique implacable : si Le Guen n'est pas menacé (information
le Parisien - merci, c'est noté) alors que le club reste sur deux défaites de suite au Parc des Princes, c'est forcément que Cayzac va sauter. Pourquoi ? Mais parce que quelqu'un doit partir pardieu ! Ici c'est Paris !
D'ailleurs le départ de Cayzac est tellement sûr que le nom de son successeur circule déjà. Et avec insistance. Vous aimeriez bien le connaître, ce nom ? Dommage ! L'information ne mérite pas de figurer dans cet article. Mais revenez demain, on ne sait jamais...
Soucieux d'être pédagogue, Dominique Sévérac nous propose de «
décoder » la situation en faisant appel à un «
proche du club » :
Alain Cayzac étant le premier dirigeant du club, il est le premier à rendre des comptes à ses actionnaires.
...
C'est vrai, c'est vrai, de telles révélations, ça remet en cause pas mal de choses dans notre système de pensée, mais c'est pourtant bien la vérité ! Et ça, au
Parisien, on n'a pas peur de le dire. On trouve même des proches du club pour le confirmer. Bon, là encore, la fin de la phrase a été honteusement censurée par les secrétaires de rédaction du
Parisien : l'expert en organisation des entreprises, c'est Roger, 54 ans, commercial chez Citroën. Roger habite à deux pas du square de l'Europe, c'est dire s'il connaît le sujet. Et Roger précisait même, mais en
off : «
Vous savez, moi j'ai 15 ans de boîte, j'vais vous dire : c'est rarement le gardien de l'immeuble qui saute en premier hein... J'vous ai rien dit ! »
Notez encore que le départ de Cayzac n'est ni
éventuel ni
certain, mais bien «
probable ». Il n'est pas précisé s'il s'agissait de la même probabilité que celle en vigueur lors de la période des transferts...
Pour l'anecdote, les actionnaires n'ayant semble-t-il pas été contactés au sujet de cette rumeur - deux articles valent mieux qu'un seul -, ils ont réagi dans l'édition du lendemain. Sébastien Bazin, PDG de Colony Capital Europe, a été on ne peut plus clair : «
Tant que je serai là, Alain Cayzac sera là. Il ne partira ni bientôt ni en décembre ni en janvier. Tout va bien. »
Le raisonnement vaut le détour : les actionnaires ayant affirmé qu'ils soutenaient Le Guen, c'est que Cayzac va être viré. Et maintenant que les actionnaires affirment qu'ils soutiennent Cayzac ? Yves Colleu doit se sentir menacé...
Quant à Alain Cayzac, il a exprimé son «
envie de rire » : «
c'est une vraie connerie ! Ce n'est pas la première fois que j'entends cette rumeur. C'est la vie des entreprises. Elle est véhiculée par des gens qui veulent mettre la pagaille. Soit ils ont envie de prendre mon poste, soit c'est leur aigreur qui s'exprime parce que je me suis séparé d'eux. Ces gens-là, je les plains. Je porte sur eux le regard de gens médiocres. »
Reprenons :
- Un pilier de bar explique aux journalistes du
Parisien que le premier responsable de l'échec d'une entreprise vis-à-vis de ses actionnaires est la personne nommée à sa tête.
- Les reporters interrogent le beau-frère d'un type qui a assisté à un match au Parc l'an dernier, lequel leur explique qu'il faut recruter Kabouminski (unanimement reconnu «
trop fort » par les spécialistes de PES depuis qu'il a marqué 2 buts en Coupe de Russie - vu à
l'Équipe du dimanche), et que pour être Champion yaka virer Cayzac, qui n'a même pas compris qu'il suffisait de recruter Kabouminski et Kaká pour gagner.
- La rédaction des sports du quotidien francilien se dit que, de telles infos mériteraient bien quelques lignes. Et voilà de quoi alimenter la gazette, quitte à répéter que décidemment au PSG, y a toujours des histoires...
Au final, nous avons donc une vague rumeur sans intérêt, qui ne semble pas perturber outre-mesure les principaux concernés, Alain Cayzac ou Sébastien Bazin. Mais de quel trouble le
Parisien parle-t-il donc ? Car rappelez-vous, tout cet article est titré : «
La rumeur qui sème le trouble »...
Suffit-il vraiment que n'importe qui vienne sussurer les mots «
crise » et «
menacé » à leurs oreilles pour que les journalistes du
Parisien s'en fassent l'écho dans leurs colonnes ? Volonté de nuir ou simple paresse de « professionnels de l'information », incapables de prendre du recul sur les bruits qui leur sont rapportés ? Quoi qu'il en soit, il s'agit d'une nouvelle page dans le feuilleton parisien, qui elle-même ira alimenter le principe selon lequel «
c'est toujours le cirque à Paris »...
La rumeur qui sème le trouble
La folle rumeur court au sein de la galaxie PSG : les jours d'Alain Cayzac, dit-on, sont comptés. Son remplacement interviendrait après le match de Lyon. Ou en décembre.
Voire en janvier. Le nom d'un probable successeur circule même avec insistance. « Dans l'organisation actuelle du club, il est en tout cas le fusible », décode un proche du club. Car Paul Le Guen, adoubé par les actionnaires, est loin d'être menacé malgré les mauvais résultats. Le prochain départ ne peut être que celui de Cayzac... « J'ai envie de rire, réagit l'intéressé. C'est une vraie connerie ! Ce n'est pas la première fois que j'entends cette rumeur. C'est la vie des entreprises. Elle est véhiculée par des gens qui veulent mettre la pagaille, poursuit-il. Soit ils ont envie de prendre mon poste, soit c'est leur aigreur qui s'exprime parce que je me suis séparé d'eux. Ces gens-là, je les plains. Je porte sur eux le regard de gens médiocres. Je suis en fait partagé entre le rire et la tristesse. »
Dominique Séverac (le Parisien), dimanche 28 octobre 2007