Sakho : « Je suis revenu le couteau entre les dents »
MAMADOU SAKHO, qui fêtera, ce soir, sa cinquième titularisation d’affilée avec les Bleus, raconte son début de saison.
Entre une fin de saison dernière délicate, qui l’a vu passer à côté de l’Euro, et le début de l’actuelle où il s’est imposé à la fois au Paris-SG et en Bleu, Mamadou Sakho a traversé l’été comme on accélère le temps. Avant d’affronter l’Espagne, ce soir, le défenseur central du PSG raconte comment il a vécu son début de saison et la façon dont il a redressé la situation.
« DÉBUT JUILLET, vous exprimiez des inquiétudes sur votre temps de jeu en club, cette saison. Trois mois plus tard, vous êtes titulaire au PSG et en équipe de France. L’auriez-vous imaginé à l’époque ?
– (Il rigole.) Il n’y a que mon travail qui me permet ce début de saison-là. Beaucoup de gens ne comptaient pas sur moi la saison passée. À force d’abnégation et de concentration, je me suis à nouveau prouvé que je n’avais rien perdu. Cet été, avant la reprise, j’en ai parlé avec mon entraîneur et mes dirigeants, et ils ont été clairs sur le fait qu’ils ne me laisseraient pas partir. Je suis revenu de vacances le couteau entre les dents et j’ai eu envie de prouver que je n’avais pas été élu meilleur espoir du Championnat de France pour rien, un an plus tôt.
– Que retiendrez-vous de votre fin de saison dernière douloureuse ?
– Disons que les trois derniers mois m’ont fait grandir. Vivre ce que j’ai vécu – le banc, les tribunes, l’Euro manqué –, ça a été un mal pour un bien. Depuis que je joue, j’ai toujours été surclassé, j’ai signé mon premier contrat pro à dix-sept ans et là, à vingt-deux ans, je vivais le premier échec de ma carrière. Cela m’a appris à me remettre en question.
– À qui en avez-vous voulu ?
– Franchement ?
– Franchement.
– À moi-même. De ne pas... (il réfléchit.) Oui, à moi-même.
– Mais de ne pas quoi ? Ne pas avoir répondu présent au moment opportun ?
– En fait, quand Antoine Kombouaré est parti, je me suis posé énormément de questions. J’ai vu trois, quatre mecs arriver et j’avais l’impression qu’on ne comptait plus sur moi. Ça a cogité là-haut (il montre sa tête de l’index).
– Et vous en avez parlé avec vos dirigeants ?
– Oui. À ce moment-là, je n’ai pas senti beaucoup de confiance. C’est la première fois que je ressentais ça dans ma carrière. Je suis parti en vacances pour réfléchir, évacuer. Et je suis revenu avec les crocs parce que je ne pouvais pas accepter ça. Peut-être est-ce lié à ce que j’ai vécu au cours de ma jeunesse ou à la mentalité des quartiers que j’ai fréquentés.
– Carlo Ancelotti a loué vos progrès cette saison. Il dit que vous êtes moins impulsif et plus fort tactiquement. Êtes-vous d’accord avec ce constat ?
– Certainement. Le fait d’évoluer à côté d’un joueur comme Maxwell, qui me parle beaucoup sur le placement, la lecture des trajectoires, c’est sûr que ça aide.
– Ancelotti vous reprochait surtout de commettre trop de fautes aux abords de la surface. C’est moins le cas cette saison.
– Et la saison dernière, j’en faisais beaucoup ?
– Sans doute trop à son goût.
– Je ne pense pas. C’est vrai que je suis un joueur physique, mais je n’ai pas le sentiment de commettre des fautes. Mais, bon...
– Quand Didier Deschamps vous titularise contre la Finlande (1-0, le 7 septembre) et la Biélorussie (3-1, le 11 septembre), vous le savez quand ?
– La veille, je le sens un peu. Là, tu te dis que c’est une nouvelle page, c’est évident. Mais je ne me mets pas de pression. C’est là que mes premières sélections à vingt ans m’ont aidé (il a connu sa première le 17 novembre 2010, en remplaçant Philippe Mexès à la mi-temps d’Angleterre-France, 1-2). C’est légitime, maintenant, de se lâcher un peu plus, de s’exprimer davantage sur le terrain. À vingt ans, quand on arrive en Bleu, on ne peut pas donner des ordres sur le terrain à des joueurs plus âgés. Même s’ils m’avaient demandé de le faire, c’était impossible. Tu es obligé d’expérimenter une phase d’apprentissage.
– Thiago Silva a exprimé ses préférences pour Alex avant le match à Porto (0-1, le 3 octobre). Comment avez-vous géré cet épisode ?
– Je n’avais pas lu l’article et je l’ai appris vers 18 heures, avant l’entraînement. C’est évident que, sur le coup, ça m’a fait un choc. Ce sont des choses qui ne se disent pas. Moi, je suis assez impulsif, j’ai le sang assez chaud et j’ai préféré aller en parler avec Claude (Makelele, l’adjoint d’Ancelotti) au début. Dans le vestiaire, j’étais assis à côté de Thiago et je me suis déplacé, j’ai changé de place parce que... (Il se marre.) Voilà, je suis comme ça. Thiago est ensuite venu me voir et m’a expliqué que c’était un malentendu. Tout est rentré dans l’ordre.
– Quand vous ne jouez pas, regardez-vous les matches ?
– Tout le temps. Quand les jeunes du PSG font un tournoi à Dubaï, ça passe sur Eurosport à 18 heures, je suis devant ma télé, je regarde les matches de L 2, je vais voir les jeunes au Camp des Loges. J’aime trop le foot.
– Cette saison, à l’entraînement, vous devez parfois vous coltiner Ibrahimovic au marquage. C’est comment ?
– Eh bien, on y va, hein ! Il est puissant, technique, vif, grand, il a tout. Alors c’est sûr qu’un défenseur progresse à son contact. Comme je progresse lorsque je m’entraîne avec Benzema, Ribéry ou Giroud en sélection. Par rapport aux placements, aux appuis, ça fait progresser.
– En général, le poste de défenseur central est confié à des joueurs aguerris. À vingt-deux ans, après six ans de professionnalisme, on a pourtant le sentiment que vous êtes un jeune déjà vieux.
– (Il sourit.) C’est vrai, un peu. Il y a des gens, qui j’en suis sûr, quand on leur demande mon âge, doivent répondre vingt-cinq ou vingt-six. On leur dit vingt-deux et ils disent : “ Mais il a joué avec Yepes, Rozehnal, Pauleta, des joueurs partis depuis un moment. ”
– Il y a deux ans, en sélection, juste après un OM-PSG, Loïc Rémy vous avait dit que vous aviez impressionné Deschamps, alors entraîneur de l’OM...
– En fait, pendant la rencontre, Mandanda n’arrêtait pas de dégager côté opposé par rapport à l’endroit où je me trouvais et j’en avais marre qu’il n’y ait pas de ballon à jouer. À un moment, je marmonne : “ Putain, pourquoi il ne dégage pas sur moi ? ” Et Loïc Rémy m’entend et me dit : “ Ce sont les consignes du coach. Il a dit que ça servait à rien de jouer les ballons aériens avec toi parce que t’aimais bien la chair. ”
– Et contre l’Espagne, vous aurez envie de lui prouver que c’est toujours le cas ?
– J’essaye de lui montrer que c’est toujours le cas, quand je joue. Si je joue (il sourit). »