Peut être que les anciens de PSGMAG (Ad Vitam, Sin Anima, etc) pourraient nous faire une petite rétrospective ?
Francis Borelli s’est éteint, dans la matinée du 02 octobre 2007. Chez les plus jeunes supporters du Paris SG, ceux qui n’ont pas connu les années 1970 et 1980, il sera difficile de comprendre le choc que cela représente. Pour cela, il faudrait savoir qui est Francis Borelli...
En juin 1973, le Paris SG vient de remonter en deuxième division. Eh oui, vous avez bien lu... Notre club montait dans ce que l’on nommait alors la D2 quand un nouveau président en prit les commandes. Cet homme providentiel c’est Daniel Hechter, le grand couturier. Venu aider le club à accéder à la L1, Hechter apporte dans ses valises les moyens de ses ambitions : un entraîneur revanchard, Just Fontaine ; des joueurs ambitieux, comme le regretté Dogliani, et quelques associés aux mythiques chemises colorées... dont un jeune publicitaire passionné, déjà : un certain Francis Borelli.
Dix mois plus tard, et après une rencontre épique face à Valenciennes durant laquelle Just Fontaine s’évanouira sur le banc en fin de partie à cause d’un malaise cardiaque, ce groupe réalise le rêve d’une poignée de supporters : le Paris Saint-Germain FC accède à la première division. C’est l’insolente réussite de ce que France Soir appellera le Gang des Chemises Roses. C’est aussi et surtout le début de l’Histoire de notre club, tel que nous le connaissons désormais.
A partir de là, le PSG va grandir, doucement. Mais pas sans heurt. En effet, dans la première semaine de l’année 1978, un scandale éclate : afin de pouvoir payer ses joueurs davantage que le salaire maximum fixé par la loi (moins de 2000 € par mois !), le club de la Capitale avait recours à un système de double billetterie alimentant une caisse noire. Jugé à la va-vite, Daniel Hechter sera suspendu à vie le 6 janvier par la FFF. Le nouveau président, élu trois jours plus tard n’est autre que Francis Borelli.
Ce 9 janvier 1978 débute une présidence qui ne cessera que le 31 mai 1991. Treize années passées à la tête du Paris Saint-Germain. Treize années durant lesquelles Borelli montrera quel président, quel supporter, et quel homme il est.
Un président dans les actesS’il ne fallait retenir qu’un seul geste de ce président du PSG, ce ne serait pas forcément celui auquel tout le monde va faire référence dans les jours prochains... Oui, M. Borelli a embrassé la pelouse du Parc un certain 15 mai 1982. Oui ce soir-là restera à jamais comme celui du premier titre pour le Paris SG, cette coupe de France gagnée aux tirs aux buts face à Saint-Etienne. Et oui, l’image du président agenouillé, sa sacoche en cuir pendue au poignet, en train de remercier les Dieux du Parc d’avoir permis à Rocheteau de d’égaliser in extremis, au bout du bout de la prolongation, sauvant ainsi son équipe, oui cette image est sublime... C’est un merveilleux symbole.
Ce n’est pourtant pas le geste le plus beau, ou le plus fou que M. Borelli ait fait. Celui-là, il faut le chercher six ans plus tard, en mai 1988. Le PSG est alors relégable et n’a plus que trois matches pour arracher sa survie dans l’élite. Voire sa survie tout court car les finances vont mal. Déficitaire depuis quelques temps, le club ne se remettrait sans doute pas de la perte financière causée par une descente en deuxième division.
C'est alors que Borelli prend une incroyable décision. Tant pis pour le fric ! Tant pis pour la recette. Et tant pis pour les dettes. Borelli prend sa décision avec son cœur. Il ouvre les portes du Parc à qui veut bien soutenir les joueurs Rouge et Bleu. Gratuitement. Il offre le Paris Saint-Germain à ses fans. Il confie son bébé aux supporters. Avec une mission... En contrepartie, les supporters de la Capitale devront sauver leur club. Tout simplement. Sauver leur équipe.
Plein comme un oeuf, le Parc contribuera à éviter la descente, grâce à un nul contre Auxerre et une victoire face à Lens. Un Parc de feu pour deux matches exceptionnels... mais sans la moindre rentrée d’argent.
Or, cette décision, en chef d’entreprise qu’il est, Borelli sans bien qu’elle ne sera pas sans conséquences. En se privant des recettes de ces rencontres, il sait pertinemment qu’il creuse encore un déficit déjà préoccupant. Sans doute se doute-t-il alors qu’à terme c’est ce qui causera sa perte, à lui. Pour donner à ses supporters l’occasion de sauver le PSG, Borelli sacrifie sa carrière. Trois ans plus tard, à peine, il sera débarqué... Le PSG, alors exsangue a besoin de liquidités et c’est Canal + qui y pourvoira... poussant à la retraite l’ancien publicitaire aux chemises roses.
Une page se tourne en 1991. Celle du président qui aura fait passer le Paris Saint-Germain avant sa propre personne... Mais si aujourd’hui encore, en 2007, ce club est encore en L1, s’il est même devenu doyen à ce niveau, c’est avant tout grâce aux actes de Francis Borelli, en ce mois de mai 1988.
Un président face à l’HistoireMême pour un club aussi jeune que le Paris SG, il faut comprendre qu’au bout du compte seule l’Histoire importe. D’ici quelques années, les derniers supporters mythiques, les icônes du Parc comme Mamie Hooligan et Kronenbourg, ces supporters dont on dirait que le Parc a été construit autour d’eux tellement ils y sont à leur place, ces survivants nous quitteront, malheureusement. Et avec eux s’en ira la mémoire d’évènements glorieux, comme la montée en première division, l’élimination en coupe de France face à Nantes en mars 1981, etc.
Ces faits d’armes, c’est dans les livres qu’il faudra les découvrir... Or, on n’y écrit bien souvent que l’Histoire. Pas les petites histoires. On y évoque les vainqueurs, et leurs titres. Les deuxièmes, ceux qui se contentent d’accessits, qui fêtent les finales perdues, ceux-là sombreront dans l’oubli.
Le palmarès du PSG portera éternellement la trace du travail de Francis Borelli. Car il a marqué notre club du sceau des gagnants : c’est sous sa présidence que Paris a commencé à remporter ses premiers titres. Deux coupes de France consécutives, en 1982 et 1983, d’abord, exploit remarquable pour un club créé une douzaine d’années plus tôt à peine. Quelque part si vingt-cinq ans après le club de la Capitale reste une « équipe de coupes », c’est peut-être là qu’il faut en trouver l’origine... Affirmer que M. Borelli a pesé sur l’Histoire du Paris SG n’est pas parole en l’air.
Ensuite, c’est le titre de Champion de France 1986 que les Parisiens remportent, améliorant au passage le record d’invincibilité en première division.
Tout cela, personne ne pourra jamais l’effacer. Dans quelques décennies, les palmarès du football français porteront toujours notre nom. Grâce à lui. Et si un jour, son rêve devient réalité, si un jour notre Histoire devient Légende, c’est parce qu’en 1982, une première ligne aura été écrite. C’est Francis Borelli qui tenait le stylo.
Un président dans les motsM. Borelli a modelé le club à son image, tout au long de sa présidence. Il a créé un esprit de famille autour de lui, grâce à sa relation si spéciale à son club. Et c’est là qu’il faut enfin citer ce mot qui caractérise notre ancien président. Ce mot qui fait peur, parfois : l’Amour.
Le président Borelli aime son club. Il aime ses joueurs, et ses supporters. Mais plus important : il le dit. Sans honte, sans se cacher.
M. Borelli, de par ses actes, ses victoires, mais surtout grâce à ses discours a réussi a décomplexer tous les supporters du Paris SG. Qui d’autre peut se vanter d’avoir un ancien président capable de tenir ces propos-là, huit ans après son éviction ?
Oui j'aime le PSG d'un amour indéfectible. Le temps n'a rien gommé. Dans la vie des équipes, dans l'existence même des clubs, certains cycles s'amusent à freiner les destins. Même les plus hauts. C'est ainsi. Faut-il pour autant renoncer ? A-t-on le droit de se détourner de sa plus vibrante passion ? Évidemment que non. Je vous l'ai déjà écrit : j'aime le PSG. Et personne ne pourra me changer.Le football n’est plus un sport où vingt-deux gars en short se disputent un bout de cuir. Avec Borelli le football s’assume. Oui c’est une passion ! Dévorante, parfois... Irraisonnée, toujours. Oui cela n’a rien de logique mais le PSG fait partie de nous et les années ou l’éloignement n’y feront jamais rien. Il n’y a plus de honte à le dire, à suivre l’exemple de ce président amoureux de son club : nous aussi, nous aimons Paris ! Notre cœur bat Rouge et Bleu !
Oui, nous avons désormais le droit de souffrir après une défaite, même si beaucoup ne nous comprennent pas, ou nous méprisent. Parce que là encore, Francis Borelli a montré la voie :
J'entends quelques quolibets. Comme vous. Qu'importe : on pourra même me traiter de fou, il n'y a que ces couleurs Parisiennes qui illuminent mon cœur. Et à chaque blessure, il saigne ce cœur-là. Mais il s'enflamme encore.Voilà le cadeau que nous aura donné ce président exceptionnel : le droit d’aimer notre club. Parce que lui l’a fait avec tant de force et de beauté que derrière, tout le monde peut s’engouffrer dans la brèche...
Alors samedi, face à Rennes, le Parc des Princes sera chargé d’émotion. Alain Cayzac, son digne successeur a décidé d’accorder non pas une, mais deux minutes de silence en la mémoire de Francis Borelli. Gageons qu’elles seront respectées comme jamais minute de silence ne l’aura été dans notre stade.
Ceci dit, de là où il nous regarde, il est peu probable que M. Borelli souhaite nous voir tristes, et accablés. Bien au contraire, il y a fort à parier qu’il sera bien plus content si, en plus des deux minutes de silence, nous lui offrions en cadeau quatre-vingt-dix minutes de chants. Qu’est-ce qui pourrait lui faire plus plaisir qu’un match entier passé à chanter notre amour du Paris saint-Germain, à cet homme qui a écrit il y a près de dix ans ces mots encore si actuels :
N'ayez pas peur. Battez-vous contre la résignation. Depuis qu'à Paris on s'est inventé des voyages qui tutoyaient les nuages, je me refuse à baisser les yeux. Vous aussi j'espère. Je vous en conjure : ne sifflez pas nos footballeurs, applaudissez-les pour qu'ils retrouvent une lumière définitive. Ces joueurs-là ont subi une terrible charge émotionnelle. Ils ne sont ni des robots, ni des machines libérées des doutes et des angoisses. Mais des êtres de chair et de sang tout simplement. Bien sur les esprits sont atteints. Mais ne méritent-ils pas du respect, et oserais-je l'affirmer, quelques honneurs, ces footballeurs-là ? (...)
Je ne réclame rien. Je ne veux froisser personne. Je devine trop bien les interrogations de certains. Tant pis pour eux. Je veux juste vous crier qu'il est indispensable de supporter le PSG. Qu'il repartira encore plus fort grâce à une force collective, à des bouts d'amour qui s'additionnent. Je vous l'avoue il ne se passe pas une journée sans que je rêve des dizaines de 'ola' qui enlacent tendrement les gradins du Parc des Princes. Je ne revendique rien. Oui, Paris a toujours un grand club. Qui va se réveiller plus fort, plus uni. Comme nous tous au fond, face au périple de la vie avec ses joies et ses douleurs. Qui poussent à se battre. Et le Paris Saint-Germain ne refusera jamais de se battre. Je le sais. Vous le savez tous. Vous ne seriez pas au Parc des Princes sinon...Ce matin du 2 Octobre 2007, Francis Borelli est mort. Le terme est cru. Dur. Il faut l’assumer. M. Borelli n’est pas « parti ». Il ne nous a pas « quittés ». Parce que cela, il ne le pourra jamais. Même mort, M. Borelli est toujours parmi nous. Son sourire reste aux Trois Obus, où nous pouvions encore le croiser, tout de gentillesse, même diminué par la maladie. Son amour demeure sur cette pelouse qu’il a embrassée et dans ces tribunes qu’il aura toujours défendues. Son âme sera là, au Parc, samedi et pour tous les tous les autres matches. Elle fait désormais partie du Paris Saint-Germain FC. Pour toujours.